À partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, la navigation à vapeur rétrécit le monde : il devient plus rapide et plus sûr de gagner un autre continent. Les compagnies maritimes françaises fructifient avec les grands flux migratoires, mais le loisir constitue également une part croissante de l’activité. La Compagnie Générale Transatlantique (CGT) propose une ouverture sur le Nouveau Monde et les Messageries Maritimes (MM) invitent à l’évasion vers l’Extrême-Orient. Pour préparer les périples ou accompagner les passagers au fil du voyage, les compagnies éditent leurs propres guides touristiques. Instruments polyvalents et gratuits, ces fascicules ne sont pas que des objets promotionnels. Ils servent à orienter les voyageurs à chaque escale – avec des horaires contraints – et les préparent aux souvenirs qui les attendent. Omniprésente dans ces publications, l’image possède de multiples rôles. Il faut d’abord faire oublier la mer. La navigation suscite des craintes et c’est la destination qui est d’abord l’objet d’abondantes illustrations. Il convient également de rassurer en mettant en valeur les innovations techniques et technologiques à bord. Puis, dans le premier quart du XXe siècle, le navire devient peu à peu une partie intégrante de l’expérience de l’Ailleurs. Enfin, après la Seconde Guerre mondiale, le trajet maritime et l’exotisme sont combinés. Jamais originales, les images font écho aux représentations mentales de leur époque. Voyageur affairé ou véritable touriste, le passager part vers l’inconnu déjà balisé, vers des paysages de plus en plus attendus et convenus. Les illustrations des guides rassurent et confortent pour répondre à des besoins commerciaux mais aussi à un désir croissant d’exotisme et de lointain. Ces petits ouvrages diffèrent de sources similaires plus souvent indépendantes. Ils émanent ici de l’entreprise qui est chargée d’acheminer le voyageur jusqu’à l’objet de son déplacement. De leurs créations jusqu’à leur disparition, les grandes compagnies maritimes françaises ont marqué les esprits par une communication riche, parfois audacieuse et souvent avant-gardiste. Si les affiches promotionnelles – signées par les plus grands noms de leur époque –, ont fait l’objet d’études nombreuses, il n’en est rien des guides de voyage. Cette communication a donc pour objet d’étudier le discours, les intentions et l’impact des compagnies maritimes à travers les illustrations des guides touristiques qu’elles proposent à leurs passagers. Sur un peu plus d’un siècle, du dessin à la photographie, du noir et blanc à la couleur, ces fascicules accompagnent l’essor et le déclin français des paquebots.