Dans cette section, la problématique transversale des autorités religieuses en mouvement est déclinée au prisme de quatre contributions à la fois distinctes et complémentaires, dont les deux premières s’adossent à des études de cas portant sur le monde juif, alors que les deux suivantes sont en rapport avec l’islam. Les contributions sur le judaïsme de Valérie Assan (GSRL-EPHE) et d’Emmanuela Trévisan Semi (Università Ca’Foscari Venezia) questionnent les modalités de fabrication, de remodelage et de déclinaison de figures juives de l’autorité religieuse à l’aune de l’histoire de deux communautés résolument périphériques par rapport aussi bien au judaïsme européen, qu’à celui présent aux Etats-Unis et en Palestine, au tournant des XIXème et XXème siècle, pour l'une les rabbins . s originaires d’Algérie et l'autre les Falashas d’Éthiopie Les deux contributions suivantes, celle de Thomas Pierret (CNRS-IREMAM) et celle de Lucas Faure (MESOPOLHIS), nous conduisent à appréhender les autorités religieuses depuis l’islam en prenant appui sur deux terrains bien distincts, d’une part celui de la reconstitution dans l’exil d’autorités religieuses sunnites de Syrie depuis la Turquie comme conséquence de la guerre civile syrienne, et d’autre part la situation des ONG humanitaires musulmanes en Europe, là où l’islam est minoritaire, qui vont s’imposer comme un nouvel acteur du champ islamique européen notamment en France, distinct des milieux liés à l’exercice de l’imâmat cultuel et de celui des gestionnaires des mosquées. Les quatre contributions invitent à repenser les fondements des autorités religieuses étudiées, par-delà la diversité des ancrages religieux, et des contextes géographiques et temporels. Tant dans les études de cas portant sur les deux expressions diasporiques juives (Falashas et rabbins d’Algérie), que dans celles ciblant l’islam (Conseil Islamique Syrien, ONG humanitaires musulmanes en France), on vérifie combien ce qui semble déterminant dans la structuration des autorités religieuses évoquées, c’est la conjonction d’un capital culturel et symbolique classique dans l’univers religieux fait de la maitrise de connaissances, de savoirs en rapport avec un univers dogmatique, juridique et rituel d’une part, d’un capital social détenu par ces autorités religieuses et constitué par l’accumulation de réseaux de connaissances et d’interconnaissances pour parler comme Pierre Bourdieu d’autre part, concourant enfin à légitimer ces autorités dans leur aspiration à exercer un certain leadership religieux de type transnational. A la lecture de ces contribution on peut mesurer combien divers types de circulations transnationales se sont avérées décisives dans la fabrication ou la restructuration de ces autorités religieuses. Des circulations d’abord d’individus, il en est question avec l’exil forcé de clercs sunnites fuyant la Syrie en guerre, tout en conservant une aura sur les zones sous contrôle des insurgés, comme avec ces rabbins de métropole originaires des départements français de l’Est qui sont missionnés afin de régénérer le judaïsme d’Algérie durant la colonisation et le faire entrer dans le régime consistorial. Il est aussi question de circulation des idées et des modes de formation avec ces rabbins qui vont former leurs confrères d’Algérie lesquels vont aussi devoir se former en métropole avant que de doter les juifs d’Algérie d’institutions de formation pour le personnel des cadres religieux. La circulation est également omniprésente avec les diverses missions effectuées par Jacques Faitlovitch en Éthiopie, sans oublier les circulations financières avec l’intervention de réseaux de solidarité animés par les organisations juives à l’international pour la cause des Beta Israël. De circulation, il en a été aussi indirectement question à propos des ONG humanitaires musulmanes ne serait-ce que dans l’aspect transnational qui sous-tend nombre d’entre elles qui sont aussi des organisations islamiques et des formes de mobilisation auxquelles ont recours des populations issues des migrations, tant à l’échelle de leurs fondateurs que des destinataires de leurs aides. L’incidence de cette transnationalité va s’avérer enfin décisive en ce qu’elle va déboucher peu ou prou sur une transformation en profondeur des dites autorités aux plans structurel, fonctionnel et de leur formation.