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Communication Dans Un Congrès Année : 2021

Penser l'idée de frontière dans d'anciens États d'entre-deux : le Piémont-Savoie (XVIe-XIXe siècles)

Alexandre Ruelle

Résumé

À cheval sur les Alpes occidentales, le Piémont-Savoie peut être considéré comme une terre de passage et de guerres, en somme une frontière épaisse – comparable aux marches militaires des Médiévaux – que les armées françaises, espagnoles et autrichiennes – sans compter les mercenaires suisses – foulent en cas de guerre. Telle est du moins la perception qu'en ont ses voisins désireux de contrôler l'arc alpin. En effet, des guerres d'Italie à celles de la Révolution et de l'Empire, sa position d'entre France et Saint-Empire en a fait un enjeu non négligeable de la géopolitique européenne tant les bouleversements territoriaux ont été nombreux dans ce carrefour stratégique de l'ancienne Lotharingie, riche laboratoire d'expérimentations politiques et principal terrain d'affrontement entre les Valois puis Bourbons et les Habsbourg . Cette situation de frontière a pu être une opportunité – conquêtes sur le versant italien des Alpes puis dans la plaine du Pô, ascension dans la Société des Princes, obtention d'une couronne royale en 1713 – tout autant qu'elle a pu être un frein – invasions et occupations étrangères, pertes territoriales sur le versant français – à l'affirmation d'une dynastie de second rang en quête d’indépendance. Le Piémont-Savoie constitue donc un bel objet géohistorique pour étudier la (dé)construction des anciens États lotharingiens et de leurs frontières, ainsi que pour interroger le vécu de la frontière par les populations alpines qui conçoivent les montagnes comme un lieu de passage, non comme une barrière. S'ancrant dans la longue histoire, du XVIe au milieu du XIXe siècle, l'analyse de la construction territoriale du Piémont-Savoie vise à proposer l'histoire d'une idée géopolitique, celle de la frontière ici considérée à la fois comme une zone, à savoir un territoire dans lequel s'inscrit un État intermédiaire, et comme une ligne synonyme de limite. Le but est aussi de penser la frontière à travers un jeu d'échelles, des affaires interétatiques aux réalités locales, et de la décliner à travers une triple dimension qu'elle semble avoir dans un espace médian. D'abord, une dimension géopolitique. La frontière constitue l'essence même d'un État d'entre-deux puissances rivales et ancré dans un territoire à cheval sur deux, voire trois espaces politico-culturels différents : italien, français et même germanique. Ce caractère composite est illustré par le concept de Piémont-Savoie ici défendu car renvoyant à l'idée d'un « État-frontière » que les puissances européennes ont instrumentalisée tantôt comme « territoire-tampon », tantôt comme « État-barrière », tantôt comme « État-équilibre ». Une dimension diplomatique se dégage aussi de cette étude. Mise à rude épreuve par la guerre, la frontière est pour l'essentiel issue d'un processus de paix – on parle alors de limite ! – , elle est discutée avec les voisins lors de congrès ou dans le cadre de traités. D'ailleurs, la négociation s'impose de fait à un prince de second dépourvu d'une réelle puissance militaire qui a vocation à la faire réviser et/ou à la faire reconnaître à son avantage. Ainsi, les Savoie poursuivent une « diplomatie de la frontière » indispensable à leur affirmation, d'autant que leurs Etats pâtissent de l'absence de représentation mentale prédéfinie dans l’imaginaire collectif et s'apparentent à un « État de frontières » tant les enclaves étrangères, notamment en Piémont, persistent jusqu'à la veille de la Révolution. C'est par cette diplomatie que les limites du Piémont-Savoie glissent d'un versant à l'autre, de la France à l'Italie. Enfin, la dimension géographique de la frontière amène à voir comment les Savoie s'évertuent à fixer des « lignes naturelles » le long des traces de la Nature – cette dernière est perçue comme l’œuvre de Dieu, donc la plus apte à borner les États – comme les cours d'eau – Rhône-Guiers, Var-Estéron et Tessin-Pô – et les crêtes alpines. Leur recherche se fait dans un double intérêt : définir des limites incontestables capables de pérenniser l'existence du duché en rendant caduque toute revendication voisine et bâtir d'éventuelles lignes de défense protégeant de toute agression ennemie dans le cas où elles sont difficiles à franchir. Par exemple, les cols et hautes vallées alpins sont protégés par de redoutables forts à leurs débouchés. Le cas des Alpes et le Rhône, au cœur de cette analyse, permet d'ouvrir sur la question des communautés qui ont, elles aussi, leur mot à dire dans le processus de délimitation. Cette étude conclut sur la place de la frontière dans la formation d'anciens États intermédiaires dont la déconstruction a d'ailleurs pu être liée à leur condition de terres du milieu. En 1859-1861, la maison de Savoie abandonne Nice et la Savoie, donc le statut de « portiers des Alpes » qu'elle endossait depuis le milieu du Moyen-âge, pour assurer son avenir dans la péninsule en fondant le royaume d'Italie.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-04252561 , version 1 (20-10-2023)

Identifiants

  • HAL Id : hal-04252561 , version 1

Citer

Alexandre Ruelle. Penser l'idée de frontière dans d'anciens États d'entre-deux : le Piémont-Savoie (XVIe-XIXe siècles). Frontières et Limites dans l'Histoire – Borders Studies (2020-2021), séminaire doctoral, François Pernot, Jun 2021, Cergy (CY Cergy Paris université), France. ⟨hal-04252561⟩
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