Cro-Magnon personal ornaments revisited - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue PALEO : Revue d'Archéologie Préhistorique Année : 2022

Cro-Magnon personal ornaments revisited

Les ornements personnels de Cro-Magnon revus

Résumé

The Cro-Magnon rock-shelter hosted the first discovered and certainly one of the most important Gravettian burial sites in Europe. However, the copious ornament collection found among the human skeletons was not analysed with modern techniques. After proposing a synthesis of the complex curatorial history of the Cro-Magnon material, we submitted a large proportion of the personal ornaments found at the site, hosted in five conservation institutions, to a taxonomic study as well as to taphonomic, morphometric and microscopic analyses. The studied assemblage encompasses shell beads belonging to six species (L. littorea, N. lapillus, Turritella sp., L. obtusata, L. lurida, C. jeffreysianus), two perforated teeth - a Red Deer canine and a bovid incisor - and three shaped pendants, two made of ivory and one displaying no diagnostic features allowing a clear identification of the raw material. Shell ornaments were compared to modern reference collections to identify selection criteria. The Cro-Magnon people used marine shells coming from both the Atlantic and possibly the Mediterranean coasts as ornaments. The distance to these coasts indicates that shells may have been acquired via exchange or during seasonal migration. Very few may have originated from closer fossil outcrops. Conversely, ivory and teeth were available locally. No size preference is observed in the L. littorea, the most represented shell species used as beads. The vast majority of shell beads were perforated by puncturing them through the aperture. All ornaments bear diagnostic traces indicating that they were worn during the individuals’ lives, and suggesting they belong to beadwork buried with the deceased. The three shaped pendants feature differences in technology, shape, size and decoration suggesting different agency for each. Re-examination of the single radiocarbon age obtained from one of the L. littorea leads us to propose, in the light of more up-to-date calibration curves and the nature of the sample, that additional radiocarbon dating should be performed in order to refine the chronological attribution of the Cro-Magnon burials.
L’abri-sous-roche de Cro-Magnon est l’un des premiers sites archéologiques à avoir livré des restes humains aux côtés de vestiges de faunes disparues depuis le Pléistocène supérieur. Ce site a ainsi contribué à démontrer sans équivoque que les hommes du Paléolithique supérieur enterraient leurs morts et suscité l’intérêt du public et des universitaires. Alors que le site a livré sans doute l’une des plus importantes sépultures gravettiennes d’Europe, en raison de la nature pionnière de la fouille et de l’importance de la découverte de Cro-Magnon et dans la hâte de partager les résultats, la disposition spatiale du matériel archéologique a été peu documentée. Depuis leur mise au jour, des analyses de plus en plus exhaustives et informatives ont été réalisées sur les restes humains, ce qui a permis de fournir des données anthropologiques inédites sur la biologie des défunts, leur état de santé et leur comportement. Malgré le rôle clef du site, les nombreux objets de parure trouvés parmi les restes humains n’ont jamais été analysés avec les techniques modernes. Après avoir proposé une synthèse de l’histoire complexe du matériel de Cro-Magnon après sa découverte, nous avons soumis une majeure partie des ornements corporels, conservés dans cinq institutions différentes, à des analyses taphonomiques, morphométriques et microscopiques. Sur les quelque trois cents parures de coquillages mentionnées par Lartet (1868), nous avons pu en localiser deux cent deux (cent quatre-vingt-quatre L. littorea, une L. obtusata, quatre Turritella sp., six Nucella lapillus, une Luria lurida, un fragment de nacre et un Colus jeffreysianus). Deux dents perforées (une canine de cerf et une incisive de bovidé) et trois pendentifs façonnés, deux en ivoire et un ne présentant pas de caractéristiques claires pour identifier la matière première sont également présents dans la collection. L’ensemble du matériel est dispersé dans de nombreux musées et, nous avons pu étudier cent quarante-trois objets de parure. Les ornements en coquillages ont été comparés à des collections de référence modernes afin d’identifier les critères de sélection et d’évaluer la provenance des coquillages. Les hommes de Cro-Magnon ont sélectionné des coquillages provenant à la fois des côtes atlantique et peut-être méditerranéenne. La distance qui sépare ces côtes du site indique que les coquillages ont pu être acquis par échange. Quelques spécimens proviennent d’affleurements fossiles plus proches. À l’inverse, l’ivoire et les dents étaient disponibles localement. L’analyse microscopique a permis d’identifier des traces laissées par des prédateurs et des spongiaires, indiquant que les coquilles ont été ramassées après leur mort, apparemment dans le seul but d’être transformées en ornements, et non pour être consommées. Aucune sélection en fonction de la taille des coquilles n’est observée pour l’espèce de coquillage la plus représentée (i.e., L. littorea). Diverses méthodes ont été employées pour perforer les coquilles, la pression à travers l’ouverture à l’aide d’une petite pointe étant la technique privilégiée. La propension à utiliser cette méthode peut être liée à la morphologie de la coquille des L. littorea, afin de minimiser les risques de fracture des coquilles lors de la perforation. Tous les ornements portent des traces diagnostiques indiquant qu’ils ont été portés, suggérant que les perles trouvées à Cro-Magnon appartenaient aux défunts. La présence de différents degrés d’usure sur les L. littorea pourrait résulter du fait que l’assemblage comprend des coquillages qui étaient à l’origine intégrés dans différentes parures, utilisées pendant des périodes différentes, et que ces parures ont été recyclées, réparées ou réassemblées au cours du temps. Alternativement, l’intensité de l’usure variable pourrait aussi dépendre du type de suspension, des colliers, par exemple, produisant un degré de mouvement plus élevé que les coquillages cousus sur les vêtements. Les données contextuelles de terrain manquent pour avancer dans cette discussion. L’ocre observé à l’intérieur et à l’extérieur des coquilles indique sa présence à la fois sur le fil et sur le matériau avec lequel les coquilles étaient en contact (vêtements, peau humaine). La présence d’ocre est aussi attestée sur les pendeloques en ivoire et sur les restes humains, ce qui indique que soit l’ocre était présent sur les parures et les hommes de Cro-Magnon de leur vivant, soit il était apposé sur une couverture qui protégeait les corps dans le dépôt funéraire, soit il a été dispersé lors de l’inhumation, aucune de ces hypothèses n’étant mutuellement exclusive ou facile à vérifier à partir des données de terrain disponibles. Quoi qu’il en soit, il convient de noter que la présence d’ocre est une caractéristique commune des sépultures gravettiennes à travers l’Europe. Les trois pendentifs en os présentent des différences en termes de technologie, de forme, de taille et de décoration, indiquant différents modes de production et d’utilisation. Bien que l’utilisation de l’ivoire pour les ornements personnels ait été très répandue au Gravettien, les pendentifs de Cro-Magnon sont particuliers de par leur forme et leur aménagement. Une explication de ces idiosyncrasies peut être que la sépulture de Cro-Magnon recrutait des individus ayant un statut social exceptionnel associé à des types de pendentifs en ivoire particuliers. Cette différence est également observée dans la proportion des parures à Cro-Magnon par rapport au site voisin de l’Abri Pataud. Cro-Magnon présente une abondance de L. littorea et une relative rareté de pendentifs en ivoire, alors que le niveau 5 contemporain de l’Abri Pataud présente l’inverse. Cette différence peut être due aux fonctions des sites, c’est-à-dire une habitation par rapport à une inhumation. Une hypothèse alternative est que malgré leur proximité et leur pénécontemporanéité, Cro-Magnon et l’Abri Pataud étaient fréquentés par des groupes gravettiens différents portant les mêmes parures mais dans des proportions différentes. Lartet (1868) mentionne aussi qu’un des pendentifs en ivoire a été retrouvé légèrement éloigné des restes humains à Cro-Magnon. Il est possible que les pendentifs en ivoire n’aient pas été portés sur le corps des individus mais plutôt utilisés pour décorer des objets tels que des sacs, des couvertures et des objets en bois, ce qui aurait entraîné leur sous-représentation dans les contextes funéraires. Cette hypothèse est toutefois partiellement contredite par la découverte de pendentifs en ivoire similaires dans des sépultures gravettiennes d’Europe de l’Est. La comparaison typologique des ornements corporels de Cro-Magnon avec le matériel documenté sur d’autres sites montre que le matériel de Cro-Magnon s’intègre à la diversité stylistique connue pour le Gravettien. Bien que présentant des similitudes avec ceux des autres groupes, les ornements de Cro-Magnon affichent néanmoins un certain degré de spécificité, soulignant le désir de cette communauté de montrer sa propre identité dans un cadre symbolique plus large. Le réexamen de l’unique âge radiocarbone obtenu sur l’une des L. littorea nous amène à proposer, à la lumière de courbes de calibration les plus récentes et de la nature de l’échantillon, que des datations radiocarbones supplémentaires sont nécessaires afin d’affiner l’attribution chronologique des sépultures de Cro-Magnon.
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Dates et versions

hal-04249118 , version 1 (19-10-2023)

Identifiants

Citer

Jack Baker, Solange Rigaud, Marian Vanhaeren, Francesco D’errico. Cro-Magnon personal ornaments revisited. PALEO : Revue d'Archéologie Préhistorique, 2022, 32, pp.40-72. ⟨10.4000/paleo.7180⟩. ⟨hal-04249118⟩
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