Les fouilles qui ont eu lieu en 2022 sur la villa du Gurtelbach à Dehlingen (Bas-Rhin) se sont concentrées sur les espaces non bâtis de la pars rustica, dont un des bâtiments (le bâtiment B) a été entièrement fouillé entre 2016 et 2019. Environ 220 m2 (zone 3) ont été ouverts et divisés en trois secteurs (secteurs 32, 33 et 34). Cette année marque le début d’une étude approfondie de la cour rustique de la villa puisqu’une demande d’opération a été faite pour continuer les investigations sur la zone 3 et étendre la fouille vers l’ouest, en direction du bâtiment C. Rappelons également que le site archéologique de Dehlingen est un chantier de fouille ouvert au grand public, aux scolaires et aux étudiants, notamment de l’université de Strasbourg. Cela étant et afin de pérenniser les méthodes mises en place depuis 1993, date du début des opérations sur le site, chaque seau de terre a été tamisé. Cette opération a permis de récolter par exemple des petits flans de frappe et ainsi ne pas perdre d’informations archéologiques. Il faut retenir de la fouille de 2022, la reconnaissance de la succession de six phases dans l’emprise de la zone 3, plus une phase initiale composée de niveaux argileux qui reposent sur le substrat, ne contenant aucun élément anthropique. Au cours de cette première campagne de fouille, le substrat a été atteint en plusieurs endroits des secteurs 32 et 33, mais beaucoup de niveaux n’ont pu être fouillés entièrement, de même dans le secteur 34 où seulement une partie de la terre végétale a pu être fouillée. La première phase, datée par comparaison avec les fouilles du bâtiment B d’avant le Ier s. ap. J.-C., regroupe cinq structures en creux dont quatre trous de poteau et une fosse. La deuxième phase se marque par l’érection du bâtiment B1, dans le courant de la deuxième moitié du Ier s. ap. J.-C., auquel on peut potentiellement rattacher le mur MR14 (mur hypothétique d’un second espace adjacent à B1), malgré le hiatus provoqué par la création d’un des deux pavillons (P4) de la grange dans une phase postérieure. Une structure composée de dalles de calcaire (F23) alignées avec MR14 rejoint le fait 4.2, fouillé en 2019, qui se caractérise par une forme en fer à cheval et dont on peine à déterminer une fonction. Il est délicat pour l’instant de savoir si F23 fonctionne avec MR14 ou s’il lui est postérieur. La fouille de 2023 aura pour objectif de fouiller l’intégralité de cette structure. La phase 3 voit l’arasement du bâtiment B1 et la construction de B2a à la fin du Ier s. ap. J.-C. Un premier niveau de sol de la cour empierré et en terre est reconnu entre MR1 (mur de séparation entre les deux cours de la villa) et MR4 (long mur de façade de B2) associé à un bac à chaux qui a certainement fonctionné lors de l’élévation desdits murs. Il faut également noter la présence d’un fossé (F3) perpendiculaire à l’extrémité ouest de MR1. Très arasée, cette structure est difficile à interpréter, mais il pourrait s’agir d’un élément constitutif d’un porche permettant de passer entre la pars urbana et la pars rustica. La phase suivante correspond à l’adjonction des deux pavillons (P4 et P5) à la grange formant ainsi le bâtiment B2b. Elle intervient entre la fin du Ier et le début du IIe s. ap. J.-C. La cour empierrée, devant les pavillons et l’entrée de la grange, et un chemin central dans les secteurs 33 et 34, fonctionnant à cette même période, ont été mis au jour. La phase 5 rassemble les dernières occupations de la pars rustica, puis le déclin de l’habitat puisqu’elle regroupe, entre autres, les unités stratigraphiques de démolition des murs observés notamment dans le secteur 32. La datation de ces couches est délicate à mesurer finement et nous nous contenterons de donner une fourchette chronologique large entre le 3e quart du IIIe s. et le début du Ve s. Une fosse et un trou de poteau sont également à souligner dans cette phase. Enfin, la dernière étape relevée cette année est le recouvrement sédimentaire de la zone 3 avec en plus des perturbations sous forme de fosses attribuables aux explorations menées par Jean Ringel au XIXe s. Notons que dans les couches supérieures, plusieurs flans de frappe et des bâtonnets en alliage cuivreux viennent compléter les éléments découverts les années précédentes sur l’atelier de monnaies de substitution installé dans le bâtiment B. Les résultats exposés sont amenés à évoluer à la suite de la fouille programmée en 2023 et une attention particulière sera portée sur les premières phases d’occupation afin de tenter de mieux en discerner l’étendue et la chronologie.