L’histoire des techniques à l’Antiquité, notamment autour des pratiques et équipements agricoles, connaît dans la recherche francophone une historiographie riche et surtout tumultueuse. Si jusqu’au dernières décennies du XIXe siècle, les techniques antiques sont généralement vantées au détriment de celles du Moyen Âge, la première moitié du XXe siècle marque un renversement des perspectives. En effet, une fracture technique est perçue entre l’Antiquité et les périodes qui suivent, en raison d’un désintérêt des élites pour le progrès et la présence de l’esclavage dans toutes les strates de la société pour certains courants (Aymard 1959 ; Finley 1965), ou par une faiblesse technique, notamment dans les transports, pour d’autres (Lefebvre des Noëttes 1931). Ces schémas dits « primitivistes » se sont largement diffusés, au point de les retrouver encore parfois dans la littérature historique et archéologique du moment, mais sont rediscutés depuis les années 1980 sur la base d’un renouvellement des données archéologiques et d’une lecture plus nuancée de la documentation textuelle dans des travaux de recherche individuels (Amouretti 1986), mais aussi collectifs (Amouretti, Comet 1993), dans le cadre de colloques par exemple (Meeks, Garcia 1997 ; Molin 2008). Depuis quelques années la recherche tente de porter un regard critique sur le débat opposant les « primitivistes » et « modernistes » en retraçant l’historiographie de ces courants (Huitorel 2022), en s’attardant parfois sur l’étude d’un équipement en particulier (Raepsaet 2022). Cette communication reviendra sur les grandes étapes et la construction de la recherche française sur l’histoire des techniques durant l’Antiquité en prenant l’exemple de pratiques et équipements agricoles comme le vallus, la fumure ou encore le moulin hydraulique, et s’interrogera enfin sur la place des travaux actuels dans ces débats. AMOURETTI Marie-Claire, Le pain et l’huile dans la Grèce antique : de l’araire au moulin, Paris, Les Belles Lettres (coll. Annales littéraires de l’Université de Besançon, 328), 1986. AMOURETTI Marie-Claire, COMET Georges, Hommes et techniques de l’Antiquité à la Renaissance, Paris, Armand Colin (coll. Collection Cursus, série « Histoire ancienne »), 1993. AYMARD André, « Stagnation technique et esclavage », in Histoire générale du travail, T. 1, Préhistoire et Antiquité, Paris, Nouvelle librairie de France, 1959, p. 371-379. FINLEY Moses Immanuel, « Technical Innovation and Economic Progress in the Ancient World », The Economic History Review, vol.18, n°1, 1965, p.29-45. HUITOREL Guillaume, « Le moulin hydraulique, le vallus et le fléau », in e-Phaïstos, X-2, 2022, mis en ligne le 24 décembre 2022. LEFEBVRE DES NÖETTES (Commandant), L’attelage, le cheval de selle à travers les âges. Contribution à l’histoire de l’esclavage, Paris, Éditions A. Picard, 1931. MEEKS Dimitri, GARCIA Dominique, Techniques et économie antiques et médiévales : le temps de l’innovation colloque international (CNRS), Aix-en-Provence, 21-23 mai 1996, Paris, éditions Errance (coll. Archéologie aujourd’hui, 21), 1997. MOLIN Michel, Archéologie et histoire des techniques du monde romain. Actes du colloque de la société Française d’Archéologie Classique, Paris, INHA, 18 novembre 2006, Paris, de Boccard (coll. De l’archéologie à l’histoire), 2008. RAEPSAET George, La moissonneuse gallo-romaine au fil de l’histoire. Une icône, révélateur épistémologique au cœur de la technologie romaine, Bruxelles, Centre de Recherches en Archéologie et Patrimoine (CReA-Patrimoine) de l’Université libre de Bruxelles (coll. « Études d’archéologie »,no 19), 2022.