À la folie by Joy Sorman. Book of Voices, Book of Bodies: an Investigation on the Edge
À la folie de Joy Sorman
Résumé
Joy Sorman's À la folie (2021) is presented as a novel in which the reader follows the narrator's visits to a psychiatric hospital. However, it is more of a field study, part of the non-fictional writings which have flourished in contemporary French literature. This paper aims at demonstrating that this narrative is above all a book of bodies and voices, whose writing attempts to become an echo chamber. The project confronts the difficult question of the restitution and of the right distance to keep with regard to the individuals encountered. If Joy Sorman's approach is tended by the will not to vampire the words and gestures of those she meets, we must wonder about the implications both aesthetic and ethical of its restitution. For À la folie is also the diary of colorful bodies whose representations and the imaginary that they carry can be questioned, whose accuracy can also be questioned. By studying the way in which the author negotiates the gap, the following article intends to show that Joy Sorman's book is precisely an investigation on the edge, torn between paradoxical gestures and representations of which the writing keeps the trace.
Si À la folie de Joy Sorman, paru en 2021, se présente comme un roman, il participe pourtant bien plutôt de ces écrits non-fictionnels – littérature de terrain ou d’enquête – qui font florès dans le champ éditorial contemporain français. Récit suivi des visites de la narratrice au sein d’un hôpital psychiatrique, il s’agit surtout d’un livre de corps et de voix dont l’écriture tente de se faire la chambre d’écho. Le projet s’affronte ainsi à la difficile question de la restitution des témoignages collectés et de la juste distance à conserver vis-à-vis des individus rencontrés. Si la démarche de Joy Sorman est tendue par la volonté de ne pas vampiriser les paroles et les gestes de celles et ceux qu’elle rencontre pour en faire de beaux objets littéraires, il est légitime de s’interroger sur les implications à la fois esthétiques et éthiques de sa restitution. Car À la folie est aussi le journal de corps hauts en couleur dont les représentations et l’imaginaire qu’ils charrient peuvent être interrogés, dont on peut également questionner la justesse. En étudiant la manière dont l’autrice négocie cette problématique de l’écart, l’article qui suit se propose ainsi de montrer que le livre de Joy Sorman est précisément une enquête sur le fil, tiraillée entre des gestes et des représentations paradoxales du corps des fous dont l’écriture garde la trace.