Le "Chevalier à l’épée" déroute souvent ses lecteurs par son manque d’unité , car il semble insérer un épisode tiré d’un fabliau au milieu d’un conte arthurien . Un motif assure toutefois la cohérence de l’ensemble, à un niveau micro et macro-structurel : le contredit. Dans un article intitulé « Feminine ‘Contre diction’ of the Masculine in "Le Chevalier à l’épée"» , Laurence de Looze en a proposé une lecture psychanalytique inspirée des théories lacaniennes. La première partie du roman ferait jouer à Gauvain un rôle œdipien, en l’amenant à usurper la place du Père, et dans la seconde, son épouse rejetterait la structure de pouvoir qui fait d’elle une monnaie d’échange entre les hommes. Ainsi le poète s’opposerait-il à l’idéologie essentiellement masculine des romans de Chrétien de Troyes. Cette analyse stimulante ne nous paraît pas épuiser l’ensemble des pistes soulevées par la présence du contredit dans l’œuvre et nous aimerions en proposer de nouvelles, non pour les substituer aux précédentes, mais pour les compléter. Nous pensons en effet que la prépondérance conférée à la "contrediction" relève d’une posture ironique adoptée par l’auteur à l’égard du personnage de Gauvain comme de la littérature de son temps, qu’il s’amuse à contredire dans une démarche de "conte redire" et de "redire contre" : il réutilise des motifs traditionnels pour les détourner et mettre en question la représentation idéalisée de la société médiévale relayée par un certain type de récits.