Que signifie la résolution de Walter Benjamin à faire tenir une pensée dialectique dans le cadre d’une écriture composant avec des fragments, faisant primer l’arrêt sur le mouvement et introduisant l’image en lieu et place du concept ? Sa proximité avec l’École de Francfort a certes rendu inévitable un positionnement quant à la survie de Hegel dans le contexte marxiste du XXème siècle. Si l’enjeu était de déterminer la place qui peut revenir à l’héritage hégélien au sein d’une écriture matérialiste de l’histoire, la reprise de la dialectique ne saurait se comprendre comme un simple tribut payé à Adorno et Horkheimer. Au moment où ces derniers travaillent à la Dialectique de la raison, Benjamin tente d’achever les « Réflexions théoriques sur la connaissance » et sur la « théorie du progrès » entreprises dans la liasse N des Passages en rédigeant les Thèses sur le concept d’histoire. On trouvera chez lui peu de traces d’une étude précise ou d’une application fidèle de la méthode hégélienne. La réévaluation, à partir de la singularité de son expérience historique, de l’articulation entre nécessité et contingence, participe de la tentative de prendre en main le devenir par la critique philosophique et politique du statu quo. Comme Marx a cherché chez Hegel le moyen d’appréhender le dynamisme des catégories économiques, Benjamin s’enquiert des usages possibles de la dialectique dans le contexte de la modernité capitaliste.