D’après plusieurs travaux de recherche, réalisés à différents moments depuis l’après-guerre, les maisons individuelles seraient la catégorie d’habitation préférée par les français (Damon 2017; Djéfal et Eugène 2004; Giard et Stoetzl 1947). Toutefois, il apparaît qu’il existerait un décalage entre un certain « rêve » pavillonnaire (Haumont 1966), qui guiderait les ménages vers le choix de « faire construire » des maisons « sur plan », et un progressif « désenchantement » qui se manifesterait au fil de la construction et de l’appropriation de cette typologie de logement (Lambert 2015; Rougé 2005). Constatant cette insatisfaction, une association regroupant plusieurs entreprises industrielles du secteur du bâtiment a financé une recherche doctorale afin de saisir le processus à travers lequel les familles prennent les différentes décisions qui permettent d’établir l’emplacement, le coût ainsi que les caractéristiques techniques, architecturales et esthétiques de leur futur logement. Ainsi, une enquête longitudinale a été réalisée entre 2018 à 2020 dans les cinq aires urbaines de Paris, de Lyon, de Lille, de Chambery-Aix-les-Bains-Annecy et du bassin minier du Pas-de-Calais. Au cours de cette période, un panel d’une vingtaine de familles a pu être suivi de manière longitudinale lors des différents rendez-vous réalisés avec des vendeurs et des conducteurs de travaux en vue de la réalisation de leur maison. A côté de ces observations, des entretiens ont été menés de manière réitérée à trois moments clé de ce processus, afin de rendre compte de l’évolution du regard des familles sur leur projet. Enfin, de prises de vue photographiques des chantiers et des maisons en cours de réalisation ont complété cette collecte de données. L’enquête a permis de montrer que la conception et la réalisation des projets de construction s’effectue sous une contrainte budgétaire forte, aggravée, au cours de la période étudiée, par la progressive réduction des aides publiques à la construction de logements individuels. Contraintes à réaliser de nombreux arbitrages, les familles sont généralement guidées, orientées voire influencées par des professionnels qui, spécialistes de leur domaine, ont une meilleure maîtrise des éléments techniques, normatifs et budgétaires qui caractérisent leur projet. Cette communication présentera, dans un premier temps, la manière dont les familles clientes et les professionnels parviennent à établir un lien de confiance et à collaborer malgré la dissymétrie de connaissances qui caractérise leur relation. Ensuite, dans un deuxième temps, seront présentés les oppositions et les conflits qui peuvent caractériser leurs échanges, ainsi que la déception qui peut être éprouvée par les familles, à partir du moment où les éléments qui constituent la maison viennent à être davantage figés.