« My wish, indeed my continuing passion, would be not to point the finger in judgment but to part a curtain, that invisible shadow that falls between people […] . » Dans la préface de One Time, One Place (1971), Eudora Welty revient sur son expérience de photographe. L’ouvrage rassemble ses premières photographies, celles d’un Mississippi profondément rural, comme à la lisière de la société : il s’agit pour Welty de « lever le rideau », de rapprocher les individus, de rendre visibles les invisibles. Comme ses « snapshots », les nouvelles de Welty tout comme les œuvres de Flannery O’Connor et William Faulkner font la part belle aux invisibles : les personnages reclus qui peuplent leurs récits sont de prime abord des figures fantomatiques et marginales. Les reclus sont invisibles aux yeux de la société sudiste, dont les mœurs héritées de l’ordre victorien tendent à placer les individus dans des catégories bien précises : la Belle, le gentleman, le soldat, l’épouse. Les reclus, et notamment les recluses, font désordre : vieilles filles, veufs désargentés, les personnages n’appartiennent plus à la société diégétique et vivent à l’orée du monde. Pourtant, ces invisibles dépendent de figures archétypales connues de la littérature occidentale : l’ermite des récits médiévaux, la vieille fille des romans victoriens, la sorcière des contes. Les personnages reclus oscillent ainsi entre hypervisibilité et invisibilité, archétypes bien connus du lecteur implicite et pourtant rebuts de la communauté diégétique. Cette communication s’efforce donc, par le biais d’une analyse stylistique, narratologique et contrastive, d’étudier l’hypervisibilité paradoxale des personnages reclus des œuvres de William Faulkner, Eudora Welty et Flannery O’Connor. Nous verrons de quelle manière les auteurs du corpus « lèvent le rideau » sur les reclus, invisibles parmi les invisibles.