Le diagnostic archéologique réalisé dans le sous-sol situé à l’ouest et au droit de la Salle des Gardes (Grand’Chambre) et de la Salle des Gens d’Armes (Grand’Salle) visait à accompagner la réalisation de cinq sondages de repérage initiés par le Centre des Monuments Nationaux pour rechercher, côté sud, un potentiel sol contemporain de l’édifice médiéval attenant (zone test 1) et côté nord pour retrouver les traces d’un ancien pavillon (zone test 2). Aucun sol construit n’a été révélé dans les sondages 1 à 4, mais on ne peut exclure une destruction liée à la mise en place de l’espace excavée au XVIIe s. Les transformations contemporaines (sols en béton successifs) pourraient aussi avoir altéré les vestiges archéologiques. Néanmoins, dans le sondage 4, on observe la présence d’un niveau daté du XIIIe s. (deuxième moitié ?) qui pourrait être interprétée comme une couche de terre végétale. Plus au sud (sondage 1), une couche de même nature est plus récente (XVIe s.). Cette accumulation pourrait traduire la permanence d’un espace de type « jardin ». Concernant le pavillon, la maçonnerie présente dans la partie sud du sondage 5 pourrait correspondre à sa bordure méridionale avec un décalage de 6 m lié à la difficulté à recaler le plan de Beaumont qui présente une déformation côté ouest. Les données archéologiques collectées, par-delà les problématiques du réaménagement des bâtiments actuels, sont pour le moins intéressantes quant à l’approche diachronique du site de l’édifice palatial. Le potentiel stratigraphique apparaît bien préservé, en tout cas pour les couches antérieures au XIIIe s. La reconnaissance de sa base est délicate, du fait de l’imbrication de la sédimentation fluviatile avec les occupations anthropiques, à l’instar de ce qui a pu être observé dans le récent sondage effectué dans la Cour de la Conciergerie. Comme ce qui a été reconnu lors de la fouille de la rue de Harlay, il est possible que des occupations anciennes soient conservées par les phénomènes d’alluvionnement successifs. Côté nord, la stratigraphie a été reconnue sur une hauteur de 3,56 m (base 26,84 m NVP). Paradoxalement les occupations les plus anciennes, perçues dans les sondages 1 à 4, sont préservées à une altitude supérieure à celle des niveaux plus récents : 29,96 m pour le niveau médiéval du sondage 4 contre 27,84 m dans le sondage 5. Ceci illustre une situation en amont ou en aval d’une rupture de pente liée à la proximité de la berge. D’ailleurs, les troncatures mises en évidence dans les niveaux médiévaux du sondage 5 pourraient nous informer de phénomènes récurrents d’érosion latérale. Contrairement aux interventions récentes effectuées dans cette partie occidentale de l’Ile de La cité (rue de Harlay, sondages dans les cours de la Conciergerie et de la Police Judiciaire), une occupation antique stratifiée a ici été mise en évidence. L’alternance de la présence anthropique avec des épisodes de débordement de la Seine est à souligner. Deux phases peuvent être distinguées : une occupation précoce et de la première moitié du Ier s. est représentée, côté sud, par un niveau de circulation qui se situe entre 29,64 m et 29,67 m NVP. Il s’intercale entre deux niveaux de crue d’après les données de l’ouverture la plus au sud (sondage 1). Une sépulture tardo-antique (datée par 14C entre 337 et 436) est installée postérieurement à des débordements qui ont scellé la première occupation observée (sondage 2). Le hiatus important entre les deux occupations est-elle un indicateur d’une situation périphérique du fait de la situation en zone inondable ? La présence de cette sépulture pourrait indiquer d’une part, que ce secteur se situe hors les murs du palais impérial, dans l’hypothèse où il est construit en même temps que le castrum (entre 308 et 360) et d’autre part, que la chronologie actuellement retenue pour la construction du castrum peut être resserrée (337-360). Le trou de poteau du haut Moyen Âge fait écho à ceux fouillés sur le site de la rue de Harlay : faut-il y voir une plus grande extension de la présence anthropique dans cette partie occidentale de l’Île de la Cité ? L’occupation médiévale est représentée essentiellement par des couches (sondages 4 et 5) dont les plus anciennes sont datées du XIIIe s. Dans le sondage 4, une strate datée du XIIIe s. surmonte les limons de débordement et est recoupée par une maçonnerie partiellement dégagée. En l’absence de contact avec les contreforts des salles médiévales, il n’est pas possible d’établir un lien chronologique avec les fondations de celles-ci. La maçonnerie du sondage 4 qui recoupe le niveau médiéval pose clairement la question de la présence d’un état de la fortification du palais antérieure aux travaux réalisés sous Philippe le Bel. Au final, ce sous-sol de la Conciergerie constitue une véritable réserve archéologique, utile tant pour la connaissance diachronique de la constitution du palais, voire plus largement pour la compréhension des occupations anthropiques sur l’Île de la Cité en interaction avec la Seine et sa dynamique fluviatile où alternent des phases de dépôts (limons de débordements) et des phases d’érosion.