La pandémie, la flambée des prix des matières premières et la guerre en Europe : la problématique des ondes longues est-elle pertinente pour rendre compte de la survenance de ces chocs ? - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2023

La pandémie, la flambée des prix des matières premières et la guerre en Europe : la problématique des ondes longues est-elle pertinente pour rendre compte de la survenance de ces chocs ?

Résumé

Covid-19, flambée des prix des matières premières et accélération de l'inflation, guerre en Europe, l'économie mondiale est entrée depuis 2020 dans une séquence historique pour le moins singulière. Confrontée à trois chocs majeurs en l'espace de deux ans, elle est aujourd'hui plongée dans une période d'incertitude radicale, particulièrement anxiogène en raison du cadre dans lequel elle s'inscrit, la crise écologique et climatique mondiale. Ces chocs ont révélé et aggravé des inégalités existantes : inégalités entre économies, régions et territoires ; inégalités entre populations et catégories sociales ; inégalités entre activités et secteurs... Si la pandémie, dont la survenance ne représente pas une surprise en soi (Coriat, 2020), beaucoup moins en tous les cas que sa vitesse de propagation à l'échelle planétaire (Aglietta et Espagne, 2020, Devezas, 2020, Sterdyniak et Villers, 2020), a davantage affecté les catégories sociales les plus défavorisées, ainsi que certaines activités économiques qui ont été plus impactées que d'autres, il ne s'agit pas là d'une nouveauté pour peu que l'on tire les enseignements des sorties de crises épidémiques majeures du passé (Dockès, 2021). Inégalités toujours, puisque la flambée des prix des matières premières (la hausse a démarré dès la mi-2020) ne pose pas avec la même acuité la question de la sécurité alimentaire et énergétique à tous les pays. Inégalités encore, puisque si la guerre engagée sur le sol européen depuis fin février 2022 a considérablement exacerbé les tensions inflationnistes, les différentes régions constitutives de l'économie mondiale ne sont pas exposées au même degré aux conséquences de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Mais ces chocs sont également des signaux, des avertisseurs, dont la survenance prend place dans le cadre d'une crise systémique qui affecte le capitalisme mondialisé depuis plusieurs décennies. C'est ainsi que la pandémie, produit de la crise écologique mondiale (changement climatique, destruction des écosystèmes et de la biodiversité, etc.), traduit également les contradictions et les limites de la mondialisation néolibérale (Hussain, 2021, Kiliç, 2021), révèle la vulnérabilité des systèmes économiques contemporains (Grinin, Grinin et Korotayev, 2022), « l'extraordinaire fragilité du capitalisme mondialisé » (Latouche, 2021), « l'impuissance des régimes de croissance financiarisée, d'obédience néolibérale, à répondre à des crises sociales, sanitaires et environnementales d'envergure mondiale » (Aglietta, Espagne, 2020) et renforce l'enjeu de la démondialisation (Sapir, 2021). La flambée des prix des matières premières, qui reflète les tensions existantes au niveau des ressources au plan mondial, met notamment en évidence notre dépendance aux produits énergétiques et montre l'urgence d'accélérer la transition écologique et le passage à un monde décarboné. Enfin, le choc géopolitique résultant de la guerre en Ukraine qui continue de provoquer une crise humanitaire majeure, rappelle les dangers qu'a ouvert l'après-guerre froide et les problèmes auxquels est confrontée la gouvernance mondiale dans un monde aujourd'hui multipolaire. La guerre engagée par la Russie n'est-elle pas en réalité une guerre menée à l'OTAN (Maurel, Rogalski, 2021) ? Si ces trois chocs invitent à remettre au premier plan la question des crises et des inégalités, cette dernière ne peut ignorer la problématique des ondes longues (long waves) associées au nom de N.D. Kondratiev. Cette problématique ayant vocation à porter un éclairage sur la survenance de ces chocs, on se propose, dans cette communication, d'en discuter la pertinence pour rendre compte de chacun d'eux. Plus précisément, trois raisons nous invitent à mettre en rapport le triptyque Pandémie / flambée des cours des matières premières / guerre en Europe avec la problématique des ondes longues. - La première est qu'il semble aujourd'hui assez bien établi que la hausse des prix des matières premières va s'inscrire dans la durée. Si dès la mi-2020, certains analystes l'interprétaient comme un simple rattrapage lié au redémarrage de l'économie chinoise confrontée à la pandémie, d'autres s'interrogeaient sur l'enclenchement possible d'un nouveau « super cycle » des prix des produits de base. Cette interrogation est stimulante car elle réactualise les travaux menés par N.D. Kondratiev sur les prix longs dans l'entre-deux-guerres mais aussi par W.W. Rostow au cours des années 1970 (Bosserelle, 2017). Ajoutons que le réchauffement climatique, la transition écologique, une guerre sur le sol européen qui risque de s'inscrire dans la durée, sont autant de sources de hausse durable des prix des produits de base. - La seconde parce que certains auteurs ont interprété la pandémie de Covid-19 en tant qu'accélérateur des mutations technologiques. T.C. Devezas (2020) considère que cette dernière représente une innovation de rupture à l'origine de tout un ensemble d'innovations socioéconomiques et biomédicales appelées à interagir de façon synergique avec des innovations techniques déjà existantes, porteuses d'intenses transformations à l'échelle mondiale. A. Grinin, L. Grinin et A. Korotayev (2022) soulignent que l'une des conséquences les plus importantes de la pandémie à été d'accélérer l'émergence d'un nouveau paradigme technologique (combinant les technologies médicales, les technologies additives, les nano technologies, les biotechnologies, la robotique, les technologies de l'information et les technologies cognitives) appelé à enclencher le déploiement d'un nouveau Kondratiev dans un avenir proche. -La troisième, enfin, parce que la guerre qui oppose aujourd'hui la Russie à l'Ukraine semble faire écho aux mises en garde formulées dès les années 1980 par plusieurs chercheurs, à l'occasion des travaux qu'ils consacrèrent à l'étude des cycles de guerre et des long waves. La thèse selon laquelle la période 2020-2030 représenterait une période à hauts risques pour l'économie mondiale a été explicitement soutenue par G. Modelski (1987) et par J.S. Goldstein (1988) qui l'ont à nouveau formulée dans des publications de 2006. Elle a également été avancée par L. Scandella (1998) à la fin des années 1990 puis par P. Pascallon et P. Hortefeux (2010) il y a une douzaine d'années. Les projections de ces auteurs n'interpellent-elles pas au vu de la situation qui prévaut actuellement en Europe ? Une guerre avec une incertitude radicale quant à ses risques d'extension, sa durée et son issue, les menaces proférées par V. Poutine à l'encontre de l'OTAN et du monde occidental de recourir, si besoin, à l'arme nucléaire, jamais, depuis des décennies, le système mondial n'est apparu aussi instable et imprévisible. Cette communication s'articule en trois parties. La première revient sur les trois chocs qui ont frappé l'économie mondiale depuis 2020 ; la seconde explique pourquoi la problématique des ondes longues a vocation à en fournir une grille de lecture ; la troisième présente quelques éléments de réflexion visant à en évaluer la pertinence pour rendre compte de chacun d'eux.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-04158991 , version 1 (11-07-2023)

Identifiants

  • HAL Id : hal-04158991 , version 1

Citer

Eric Bosserelle. La pandémie, la flambée des prix des matières premières et la guerre en Europe : la problématique des ondes longues est-elle pertinente pour rendre compte de la survenance de ces chocs ?. Crises et inégalités : Comment habiter le monde de demain ?, Association Française d'Economie Politique (AFEP), Jul 2023, Paris, France. ⟨hal-04158991⟩
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