Alors que la « première génération » de la Théorie critique est aujourd’hui redécouverte avec enthousiasme en France, certains aspects de ses recherches restent encore peu explorés : c’est notamment le cas des travaux consacrés à l’antisémitisme. Si on connaît bien la Personnalité autoritaire (1950), les textes connexes portant sur cette thématique, dont certains restent inédits n’ont en revanche pas fait l’objet d’une grande attention dans l’hexagone. Lors des années 1940, la question antisémite se retrouve pourtant au centre des préoccupations de Theodor W. Adorno et de Max Horkheimer, alors exilés aux États-Unis : en témoignent les nombreuses études de cette période menées par l’Institut de Recherche Sociale (IfS) sur les attitudes et discours anti-juifs, mais aussi sur leurs déterminants socio-psychologiques, économiques, culturels, politiques, voire anthropologiques. Non seulement ces travaux s’avèrent décisifs pour comprendre l’évolution de la Théorie critique dans les années 19403, mais ils ont aussi eu un impact majeur sur les recherches sur l’antisémitisme dans l’après-guerre, en Europe comme aux États-Unis. Le numéro 5 de la revue Prismes part ainsi d’une double hypothèse : à condition d’être prise au sérieux, la Théorie critique de Max Horkheimer et Theodor W. Adorno a quelque chose de substantiel à offrir pour penser l’antisémitisme, y compris dans ses formes contemporaines ; en retour, les études sur l’antisémitisme de l’IfS peuvent nous en apprendre beaucoup sur la première École de Francfort, ses apports et ses évolutions, ainsi que sur ses impensés et apories. Sommaire : Introduction Pour une théorie critique de l’antisémitisme (B. Quélennec, A. Grivaux, L. Barbisan) Première partie : Documents inédits en français 1) Ernst SIMMEL (traduction F. Legrand) « Anti-Semitism and Mass-Psychopathology », in Ernst Simmel (dir.), Anti-semitism : A Social Disease, New York, International Universities Press, 1946, p. 33-65 (La deuxième partie du texte consacrée aux stratégies de combat contre l’antisémitisme, ne sera pas traduite) 2) Otto FENICHEL (traduction F. Legrand) « Elements of a Psychoanalytic Theory of Anti-semitism », in Ernst Simmel (dir.), Anti-semitism, a Social Disease,op. cit., p. 11-32. 3) Theodor W. ADORNO (traduction P. Rusch) « Zur Bekämpfung des Antisemitismus heute » (1962), Das Argument. Berliner Hefte für Probleme der Gesellschaft, Vol.29, 1964, p. 88-104. Deuxième Partie : Histoire et actualité de la théorie critique de l’antisémitisme   1) Léa BARBISAN, Agnès GRIVAUX, Bruno QUELENNEC : « L’antisémitisme au prisme de la Théorie critique - La Théorie critique au prisme de l’antisémitisme. Autour des « Éléments de l’antisémitisme » » 2) Bruno QUELENNEC « Penser l’antisémitisme post-Auschwitz avec la Théorie critique. Réceptions, apports, limites » 3) Salima NAÏT AHMED « Constellation et intersections - Une approche de l’imbrication du genre et de l’antisémitisme à partir de la Théorie critique »