Les amours reliées au cinéma - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Chapitre D'ouvrage Année : 2020

Les amours reliées au cinéma

Résumé

À regarder les séries contemporaines, l’écran d’ordinateur ou de téléphone portable apparaît comme cette fenêtre ouverte sur un hors champs dont l’écran de télévision cherche à vouloir s’emparer. Il suffit de penser aux sms incrustés à l’image dans House of Cards ou dans Sherlock, ou bien les séries adolescentes telles que Gossip Girls et Pretty Little Liars dans lesquelles un téléphone portable sonne presque à chaque séquence. On pourrait faire remonter cette histoire des représentations des moyens de communication numériques dans l’écran de cinéma ou de télévision jusqu’à la comédie romantique You’ve Got Mail (1998). Dire que nous appartenons à une société de l’écran est un marronnier, qui n’empêche aucunement que les réalisateurs actuels ne puissent éluder la question de l’omniprésence des écrans reliés dans nos vies. Il s’agit pour eux de trouver les moyens de représenter, au sein de l’écran de cinéma (ou de télévision), ces nouveaux écrans qui interfacent tous les domaines de la vie de l’« Homo communicans », celui-là même que Norbert Wiener définissait au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, comme un nouvel être humain moins « machine biologique » que « machine communicationnelle ». Aucun mode de communication et d’interaction n’échappent à ces écrans et, comme nous l’analyserons, pas même les relations amoureuses. Il s’agira, en effet, de traiter de la représentation des écrans reliés au cinéma dans un contexte différent de celui du techno-thriller (Tron, Matrix par exemple) en s’intéressant à deux films qui développent de la question de la relation amoureuse : le court métrage Noah (2013) de Patrick Cederberg et Walter Woodman ainsi que Thomas est amoureux (2001), film d’auteur belge de Pierre-Paul Renders sur un scénario de Philippe Blasband. Tous deux proposent des représentations cinématographiques de ces relations amoureuses qui se construisent par écrans interposés. Chaque film s’intéresse à un moment différent de la relation amoureuse : la rencontre pour Thomas qui découvre deux femmes très différentes en même temps, la rupture pour l’adolescent Noah. Ce qui frappe de prime abord dans ces films est l’omniprésence des dispositifs écraniques quand les corps, eux, sont absents. Dans leurs films éponymes, Thomas, agoraphobe qui n’est pas sorti de chez lui depuis des années, et Noah ne sont jamais présents physiquement à l’image puisque l’intrigue se construit toute entière via les écrans de leurs ordinateurs. Les deux films proposent des focalisations subjectives : Noah est fait de deux longs plans séquence de l’écran d’ordinateur du protagoniste qui navigue entre Facebook et Chatroulette en passant par YouPorn et autres plateformes numériques, quand Thomas n’a de conversation que via son visiophone et des sites de rencontres. Ces absences, paradoxales du point de vue médiatique –puisque le cinéma est un média visuel– et thématique –comment construire une relation amoureuse, sans corps ?–, interrogent le rôle du corps dans la construction de ces subjectivités digitales comme dans nos relations interpersonnelles, particulièrement intimes, médiatisées. Nous analyserons ce jeu d’absence et de présence du corps, tel qu’il se déploie avant tout dans une mise en abyme écranique dont il s’agira de saisir les enjeux. Dans Thomas est amoureux et Noah, l’écran de projection et l’écran relié se superposent jusqu’à se confondre, impliquant une sorte de huis-clos qui pose tout aussi bien la question du cadre que de la posture spectatorielle. À l’heure du post-humanisme, l’absence de corps qui découle de ces focalisations internes à l’écran, ne peut manquer d’être interrogée. Noah et Thomas sont-ils ces « corps de trop » que décrivait Margaret Morse ? Il s’agira donc, en seconde partie, d’analyser la place du corps dans les relations interfacées décrites dans ces deux films et de démontrer à quel point l’écran relié est moins l’endroit d’une éradication du corps qu’un véritable lieu de rencontre, un lieu où une véritable intimité peut se développer.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-04149465 , version 1 (03-07-2023)

Identifiants

  • HAL Id : hal-04149465 , version 1

Citer

Anaïs Guilet. Les amours reliées au cinéma. Presses Universitaires de Rennes. Subjectivité numériques et Posthumain, 2020, 978-2-7535-7924-8. ⟨hal-04149465⟩

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