En région subarctique et de montagne, le suivi du couvert végétal constitue un enjeu important pour évaluer les dynamiques naturelles (tendance lourde au réchauffement et ses conséquences sur les écosystèmes) et anthropogéniques (multifonctionnalité des territoires : élevage ancestral de rennes, foresterie, exploitation minière, tourisme d’hiver et d’été). Ce suivi du couvert végétal permet en outre de proposer aux éleveurs de rennes suédois, majoritairement saamis, des indicateurs chiffrés, et cartographiables de l’état des paysages dans lesquels évoluent leurs cheptels. On propose ici un suivi par imagerie satellitaire grand champ (MODIS 44B Vegetation continuous field) de l'évolution diachronique et synchronique du couvert végétal (arboré, non-arboré, non-végétalisé) à l’échelle de deux territoires déclarés par les communautés d’éleveurs de rennes. Ces zonages sont localisés au nord et au centre de la région historique de Laponie suédoise. La communauté d’éleveurs de rennes Gabna (village d’hiver : Kiruna) est un système pastoral « montagnard », tandis que l’autre communauté, Gällivare (village d’hiver : Gällivare) est un système pastoral d’élevage de rennes dit « forestier » (source : Parlement saami de Suède). L’imagerie acquise a une granularité temporelle annuelle (e.g. une valeur annuelle de % de couverture de chaque strate de végétation, et pour chaque pixel composant les territoires étudiés). Des tests de tendances temporels de Mann-Kendall sont calculés, en vue d’en ressortir les propensions éventuelles de végétalisation ou de dé-végétalisation. Par calcul de superficies, on quantifie géographiquement la significativité des pixels soumis au test de tendance (e.g. les pixels de tendance temporelle ayant une p-value <0.05 sont considérés comme significatifs), puis la robustesse de la relation entre % de couvert végétal et l’avancée des années entre 2000 et 2022 (e.g. les pixels de tendance temporelle ayant un indice k < -0.4 et > +0.4 sont considérés comme tendance robuste). Le pourcentage de couvert arboré (% Tree) est la variable de stratification de couvert végétal qui répond le mieux à ces tests de tendances : 26 % du territoire Gabna et 83 % du territoire Gällivare sont concernés par une évolution temporelle (positive ou négative) du couvert forestier et arboré (table 1). Celui-ci est en régression pour les deux communautés, 20% du territoire Gabna et 26% du territoire Gällivare sont affectés par une baisse temporelle significative et robuste de leur couvert arboré (table 1). Le pourcentage de couvert non arboré (toundra, prairies ; formations végétales basses) sont en augmentation nette (respectivement 22,5 et 19% des territoires), principalement du fait d’une re-végétalisation en montagne pour les fonds de vallées glaciaires et les versants montagneux orientés sud, soit du fait de la régénération forestière des parcelles sylvicoles. Pour ces deux milieux, les tourbières semblent être en voie de comblement par la végétation ligneuse. A cette échelle spatio-temporelle, et en montagne tout particulièrement, l’hétérogénéité topographique et la réponse végétale aux variabilités thermiques et hydriques décrivent l’accélération du cycle hydrologique : les sommets et les versants orientés au nord semblent se dépeupler, du fait de la fonte des glaciers et de l’instabilité des terrains qui en est induite. Les évolutions de pourcentage de couvert non végétal (sols nus, sols artificiels), sont très dépendants du système pastoral et des milieux considérés. Dans les deux cas, l’extension des mines de Gällivare et de Kiruna sont visibles, dans les données chiffrées comme dans les cartographies. L’évolution du couvert non végétalisé de la communauté Gabna est négative en milieu montagnard (du fait de la reconquête végétale), positive en milieu de forêt (du fait de l’extension minière et urbaine). Une quantification territoriale plus fine, à l’échelle des zonages pastoraux saisonniers (plein hiver, début de printemps, zone de vêlage etc) augmentera la précision géographique de ces processus de végétalisation (shrubification/embroussaillement) ou de dévégétalisation (fonte des glaciers & augmentation des superficies en eau liquide, coupes à blanc, extension minière & urbaine). Adossée à une analyse de l’évolution de l’occupation des sols sur la même période (2000-2022), les tendances régionales évoquées ici via l’analyse de l’imagerie MODIS 44B pourront également être confirmées, ou nuancées.