Parmi les relations entre humains et non humains qui structurent les représentations de l’époque médiévale, celle qui unit combattants et divinités est sans doute parmi celles qui eurent les plus grandes conséquences politiques et culturelles. En effet, au fil de la christianisation, la relation combattant/divinité connaît des évolutions majeures, qui transforment en profondeur les représentations martiales du monde scandinave. D’une part, un rapport à la violence et une justification de cette dernière se jouent dans la relation au divin, conduisant peu à peu à la doctrine chrétienne de la guerre juste qui autorise à combattre au nom de Dieu. C’est donc par la formation d’un « non humain christianisé », comme on pourrait l’appeler, que de nouvelles formes de conflit sont rendues possibles. D’autre part, la christianisation apporte aussi de nouveaux modèles pour les combattants, passant d’Odin au Christ, de Freyja à la Vierge Marie, ou encore de Sigurðr à saint Michel. La relation combattant/divinité se mue alors en un rapport non seulement d’imitation, mais aussi de dévotion et de soumission à des entités divines conçues comme de véritables chefs de guerre spirituels pour les combattants. Enfin, le rôle des divinités sur le champ de bataille, leurs interventions dans le destin des combattants et dans leur devenir après la mort sont progressivement façonnés par une vision chrétienne du rapport à la divinité. Là où les anciens dieux étaient seulement des adjuvants sur le champ de bataille, le dieu chrétien est la promesse d’une rédemption, concept qui tend peu à peu à s’imposer également dans la réinterprétation des anciens mythes, comme le combat final du Ragnarök, chez les auteurs scandinaves chrétiens. Au travers de sources principalement narratives et poétiques, la christianisation du rapport au non humain sera ici interrogée au croisement de la divinité et de la fonction guerrière.