Pour la première fois dans l’histoire de sa jurisprudence, la chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt Aviointeriors du 16 mars 2022, applique le critère du centre des intérêts de la victime à des faits de parasitisme commis en ligne. En interprétation de l’article 7-2 du règlement Bruxelles 1 bis, la chambre commerciale prend ainsi le parti de transposer à l’un des quatre comportements constitutifs de concurrence déloyale une solution que la Cour de justice de l’Union européenne avait jusqu’ici réservée aux seules atteintes aux droits de la personnalité commises en ligne. Ce faisant, la chambre commerciale, amenée à localiser le centre des intérêts de la victime, choisit de le fixer au lieu du siège social de la victime. Dorénavant, les victimes d’actes de parasitisme commis en ligne pourront donc saisir les juridictions françaises du lieu de leur domicile. Prospectivement, cette décision mérite l’attention. Si la quasi-consécration d’un forum actoris pour les victimes d’actes de parasitisme commis en ligne laisse dubitatif, le centre de leurs intérêts n’étant pas en toute hypothèse assimilable à leur domicile, l’extension du domaine du critère à cette catégorie de comportements illicites s’avère bienvenue. En effet, exposées au potentiel de diffusion incontrôlé du réseau Internet, les victimes d’actes de parasitisme commis en ligne pourront bénéficier de l’accès à un juge géographiquement proche, et surtout à un juge capable de faire cesser la diffusion en ligne de contenus qui, si rien n’est fait, entraînent par l’audience qu’ils suscitent une augmentation quasi-mécanique du détournement de notoriété et de clientèle. Pratiquement cependant, la portée de cette décision s’avère mesurée. Alors que la chambre commerciale, en rendant son arrêt Aviointeriors, s’est considérablement éloignée des solutions issues de la jurisprudence européenne, celle-ci, en ayant choisi de ne pas poser de question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne, risque d’avoir rendu une décision dont la portée ne dépassera pas les frontières de l’ordre juridique français.