L’activité des pensionnaires de l’Académie de France à Rome au siècle des Lumières est un vaste champ d’étude qui a retenu l’attention de nombreux chercheurs depuis la fin du XIXe siècle. Les éditions critiques de correspondances officielles ou de journaux de voyages, les ouvrages de synthèse et les monographies d’artistes ont peu à peu enrichi la connaissance de cette étape ultime de la formation académique à la fin de l’Ancien Régime. Cependant, comme le relève Marie-Luce Pujalte-Fraysse « le parcours des architectes au sein de l’institution a peu retenu l’attention » et les sources permettant de le documenter demeurent encore relativement isolées, voire parfois inexploitées (Pujalte-Fraysse, 2020). Au sein de cet ensemble, les dessins aux crayons (sanguine et pierre noire) réalisés en plein air – « sur le motif » – par les générations séjournant à Rome entre les années 1750 et les années 1780 ne font pas exception. Rarement signés et souvent confondus avec ceux de leurs amis peintres, ils révèlent pourtant la diversité des pratiques de ces architectes-dessinateurs. En la matière, l’usage de la contre-épreuve (réplique inversée d’un dessin matrice passé sous presse), souligne le caractère éminemment social de l’activité graphique des pensionnaires. Au-delà de la constitution d’un recueil de références architecturales, urbaines et paysagères, le recours à la duplication d’un dessin original révèle l’inscription de son auteur dans un réseau de sociabilités artistiques et/ou professionnelles : échanges entre camarades, dons à des protecteurs ou encore ventes à des voyageurs du Grand-Tour. Récemment mises en lumière par Sarah Catala en ce qui concerne l’activité des peintres et sculpteurs (Catala, 2015), ces pratiques demeurent profondément méconnues lorsqu’elles sont le fait d’architectes. Cette communication aurait pour objet d’aborder cette question à l’aune d’un corpus de dessins des architectes – parfois inédits – et de la relecture de sources manuscrites. L’enjeu étant de démontrer qu’au cours des dernières décennies de l’Ancien Régime, le voyage italien des pensionnaires issus de l’Académie royale d’architecture ne saurait se limiter à une forme d’apprentissage. À la croisée d’expériences amicales, promotionnelles et commerciales, leurs pratiques constituent également les premiers jalons du développement d’un réseau professionnel autonome, hors de la scène parisienne.