Le Conseil constitutionnel libanais apparaît comme une institution faible, dans le sens où elle ne pèse que marginalement dans la résolution des controverses politiques et constitutionnelles traversant la scène politique libanaise. Cela s’explique par les logiques consensuelles communautaires et patrimoniales du système politique libanais, dont le jeu combiné limite les ressources du Conseil, qu’elles soient matérielles, relatives à la coopération des acteurs politiques, et symboliques, relatives à sa légitimité à intervenir. La juridiction constitutionnelle libanaise reste néanmoins une institution particulièrement intéressante à étudier. Cet article suggère en effet une représentation par la négative de plusieurs facteurs auxquels tient le pouvoir des juridictions constitutionnelles, ici à travers un regard sur la pratique des règles de nomination et de saisine de l’institution. Par ailleurs, la production des décisions importantes du Conseil peut se comprendre comme le fruit d’une double contrainte. Elle est, d’une part, argumentative tenant à la qualité et cohérence juridique des décisions, et, d’autre part, institutionnelle tenant à leur correspondance avec la volonté des organes politiques. Cette étroite marge de manœuvre conduit à des « curiosités juridiques » suscitant des réflexions conceptuelles, à l’instar du renversement de la fonction majoritaire du quorum ou de l’invocation de la protection de la Constitution pour justifier sa violation.