Aujourd’hui, les nouvelles technologies ont envahi le champ de la sécurité. La protection des personnes et des biens laisse désormais place à une technologie « pervasive » (Claverie et al., 2009). Pourtant, en cas de difficultés sécuritaires, les réponses mettent souvent l’accent sur ces technologies avant d’engager une réflexion sur l’humain et sa complexité, reflétant une orientation vers un déterminisme technologique (Doray & Millerand, 2015). Cette tendance à la perfection sécuritaire, due à une pensée solutionniste (Vigouroux-Zugasti, 2018), entraîne aujourd’hui l’application d’une « sécurité augmentée ». Le terme « augmenté » signifie, en l’espèce, que ce sont les performances des technologies de sécurité qui sont augmentées, alimentant une logique du « toujours plus », du « toujours mieux », mais avec toujours moins d’humains. Nombreux sont les exemples de ce principe de sécurité augmentée, caractéristique d’une montée progressive de cette pervasivité sécuritaire. Notamment, l’insuffisance du nombre des effectifs sur le terrain est aujourd’hui palliée par l’ajout de technologies de sécurité (vidéoprotection, caméras-piétons, reconnaissance faciale, technologie antifraude) au sein des villes comme des organisations (Diard, 2018 ; Lollia, 2019 ; Diard & Dufour, 2022). Désormais, dans cette logique de perfectibilité, ces outils de sécurité sont renforcés par l’intelligence artificielle (IA). Avec ce couplage homme-machine (augmentée), le professionnel de la sécurité utilise les compétences de la machine en acceptant le fait que celle-ci accomplit certaines tâches beaucoup plus efficacement que lui, grâce notamment à son « augmentation ». Cependant, il faut garder à l’esprit que l’IA n’est pas un substitut doté de connaissances. Il en ressort que l’utilisation de l’IA dans le champ de la sécurité pose un problème de légitimité, de perception, d’acceptabilité (confiance, travail collaboratif) et de reconnaissance (fierté à la suite du travail accompli). Cela nous amène aux interrogations suivantes : l’IA et la sécurité sont-elles compatibles avec la confiance de l’usager dans le domaine sécuritaire ? L’IA donne-t-elle une légitimité aux prises de décisions ? Nous tenterons d’y apporter des réponses en posant l’hypothèse que dans le champ sécuritaire, l’IA, aussi nécessaire soit-elle en apparence, soulève résolument un problème de confiance dû à des questions d’acceptabilité, d’intelligibilité et d’éthique. Pour ce faire, nous adopterons ici un positionnement constructiviste et interprétatif. Cette communication aura pour objet de démontrer le caractère nécessaire, sinon inévitable de l’implémentation de l’IA au sein des nouvelles technologies sécuritaires. Nous analyserons également les risques inhérents à l’IA et à la sécurité. La création de cette culture de l’excellence amène aussi à s’interroger sur la dépendance aux résultats de ces technologies « augmentées ». Face à toutes ces interrogations, nous proposerons non seulement des éléments de réponse, mais également des solutions éthiques concernant les biais directs (comme les discriminations) et indirects (par exemple, le risque de crédit pour une catégorie sociale non prise en compte, déformant le résultat de l’analyse finale) ou la construction des algorithmes, avec la question de leur neutralité pour corriger un biais par un autre biais. Pour terminer, nous présenterons quelques solutions pour renforcer le trinôme IA/sécurité/confiance, notamment en nous référant au principe de l’ethic by design.