Cet article se propose de prolonger la réflexion consacrée par Walter Benjamin à la « réception tactile » dont fait l’objet l’architecture, afin de développer une esthétique critique de la production spatiale. Si le philosophe reste au seuil d’une esthétique architecturale originale en raison de sa difficulté à penser la beauté autrement que comme aura autoritaire, il livre cependant des éléments analytiques décisifs qui seront amplifiés par Richard Shusterman et Gernot Böhme pour proposer une esthétique des arts hétéronomes. Nous déterminons cette dernière dans sa modalité architecturale comme une esthétique des lieux habités dont l’usage suscite plaisir et émotion. Les sentant en les pratiquant, nous en venons à nous sentir nous-mêmes comme corps immergés dans le monde. Ainsi peut-on parler d’un horizon critique de la réception tactile : elle engage une évaluation somatico-existentielle des bâtiments en fonction de la qualité de leur expérience. Face aux architectures visuelles qui altèrent son régime perceptif, elle apparaît que jamais actuelle.