Des espions au service de l'OTAN ? Pendant la guerre froide, les histoires d'espionnage ont laissé la part belle à une certaine imagination, et ont nourri de nombreux scenarii de livres ou de films. Bien sûr, il serait naïf de penser que tout n'est qu'imagination. Dans un conflit non ouvert comme le fut la guerre froide en Europe, la dimension psychologique, secrète prend une part essentielle. Alors l'OTAN at -il mis en place une armée secrète destinée à mener une guerre souterraine, faite d'espionnage et d'actions clandestines ? C'est ce qui semble ressortir des révélations du premier ministre italien, Giulio Andreotti, à l'automne 1990. Après avoir été questionné par des parlementaires, eux-mêmes alertés par un juge italien, Andreotti révèle à son pays, et en même temps au monde entier, l'existence d'un réseau clandestin de l'OTAN en Europe, le réseau Gladio. Immédiatement, la presse européenne s'emballe, et ce réseau prend l'aspect du Spectre dans les James Bond. Mais qu'en est-il vraiment ? Il est bien sûr difficile de démêler ce qui relève de la guerre psychologique, du fantasme et de la réalité, alors que les sources sont naturellement rares. Inutile d'espérer, en effet, trouver des fonds d'archives détaillés sur les services de renseignement de l'OTAN. Une première raison à cela, très simple : l'OTAN n'a jamais disposé, pendant la guerre froide, de services de renseignement intégrés. L'organisation est restée tributaire, dans ce domaine, des moyens mis à sa disposition par les Etats membres. Ensuite, au niveau des Etats membres, le renseignement est couvert par le secret-défense, et dans ce domaine plus que dans tout autre, les acteurs ont de toute façon peu tendance à laisser des traces écrites de leurs actions. Je vais donc m'appuyer ici sur les sources dont je dispose : quelques mentions dans les archives, souvent allusives, mais qui permettent de remonter quelques pistes. Et des rapports d'enquêtes parlementaires, notamment luxembourgeois et belges, établis après les faits et relatant les auditions de certains acteurs de la guerre froide. Je voudrais revenir ici d'abord sur le scandale des réseaux Gladio tel qu'il explose au grand jour dans les années 1990, puis essayer de démêler le fantasme de la réalité, et pour finir évoquer un cas non étudié jusqu'ici : celui de l'enrôlement par l'OTAN des émigrés de l'Est.