Progrès ou décadence, art ou fumisterie? La critique fin-de-siècle des synesthésies - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue French Cultural Studies Année : 2023

Progrès ou décadence, art ou fumisterie? La critique fin-de-siècle des synesthésies

Résumé

Defined as the individual and recurrent association of the mental image of a color with the perception of a sound, colored hearing—including the sensory perceptions named synesthesia from the 1890s onwards—had a substantial impact on both the arts and sciences during the last quarter of the nineteenth century. During this media age, chronicles, popular essays, fiction, works by art, literary, and theatrical critics, and caricatures dealing with this modality of sensory perception multiplied in the newspaper and specialized press, in fashion newspapers, and in the satirical press. Often in dialogue with each other, these articles and drawings constitute a corpus testifying of the international reception of the arts and sciences of synesthesia. Above all, the press articles reflect a keen interest in synesthesia, which emerged as a social topic that, at times, aroused exasperation or enthusiasm but most often curiosity and perplexity. Three main postures stand out in the critical reception of synesthetic or polysensorial works of art: doubts about the reality of these perceptions, which were expressed in spite of the scientific endorsement from which the synesthesia benefited; the enthusiasm stemming from the emergence of novel perceptions likely to transform one's relationship to art and the world; and, finally, the belief that these perceptions testified to a degeneration of art and humanity. The aim of this article is to observe how these questions, fundamental to the history of aesthetic appreciation, were presented to the large and diverse reading public of the fin-de-siècle press in order to highlight the conceptions and judgments associated with synesthesia as well as the endogenous links forged among sensory perception, progress, and decadence. This approach allows us to better grasp the enthusiasm and resistance generated by questioning the hierarchies that have governed the history of the senses and the arts.
Définies comme une association individuelle et récurrente de l’image mentale d’une couleur à la perception d’un son, l’audition colorée, puis les perceptions sensorielles nommées synesthésies à partir des années 1890, ont connu un important retentissement à la fois dans le domaine des arts et des sciences pendant le dernier quart du dix-neuvième siècle. À l’ère médiatique, les chroniques, critiques d’art, critiques littéraires ou théâtrales, essais de vulgarisation, textes de fiction mais aussi les caricatures abordant cette modalité de la perception sensorielle se multiplient dans la presse quotidienne et spécialisée, mais aussi dans les journaux de mode et dans la presse satirique. Dialoguant souvent entre eux, ces textes et ces dessins constituent un corpus témoignant de la réception internationale des arts et des sciences des synesthésie. Les articles de presse rendent ainsi compte avant tout d’un vif intérêt pour les synesthésies, qui s’imposent comme un sujet de société suscitant parfois de l’exaspération ou de l’enthousiasme, mais le plus souvent de la curiosité et de la perplexité. Trois postures principales se détachent dans la réception critique des oeuvres d’art synesthésiques ou polysensorielles : le doute quant à la réalité de ces perceptions qui s’exprime en dépit de la caution scientifique dont les synesthésies bénéficient, l’enthousiasme que suscite l’idée de nouvelles perceptions susceptibles de transformer le rapport à l’art et au monde et, enfin, l’idée que ces perceptions témoignent d’une dégénérescence de l’art et des hommes. Il s’agit d’observer comment ces questions si fondamentales pour l’histoire de l’appréciation esthétique ont été présentées au public large et diversifié des lecteurs et lectrices de la presse fin-de-siècle afin de mettre en évidence les conceptions et jugements associés aux synesthésies ainsi que les liens endogènes tissés entre perception sensorielle, progrès et décadence. Cela permet de mieux saisir les enjeux de l’enthousiasme et des résistances suscitées par la remise en cause des hiérarchies qui gouvernaient l’histoire des sens et celle des arts.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-04086319 , version 1 (02-05-2023)

Identifiants

Citer

Erika Wicky. Progrès ou décadence, art ou fumisterie? La critique fin-de-siècle des synesthésies. French Cultural Studies, 2023, pp.095715582211349. ⟨10.1177/09571558221134930⟩. ⟨hal-04086319⟩
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