Dans les échanges portant sur des problèmes médicaux menés par des non-spécialistes, l'approximation s'avère très saillante. Elle se manifeste sous diverses formes – adverbes, tours négatifs, modifieurs prépositionnels, verbes modaux, intensifieurs et downtowners, concessions, toutes visant à « make things fuzzier or less fuzzy » (Lakoff, 1973 : 471), autrement dit, à modifier la prédication et sa relation potentielle à une catégorie prédéfinie. L'identification et la description du problème médical, des caractéristiques de celui-ci ou de la catégorie à laquelle il appartiendrait sont sous-tendues par un jugement subjectif relatif au degré d'appartenance du problème identifié ou décrit à une catégorie préalable. Nous proposons d'étudier ce type d’échanges en nous fondant sur un corpus issu du Web et extrait du forum santé Doctissimo, en particulier de la rubrique qui traite des douleurs de dos, et qui comporte 8321 posts (989193 mots1). Les questions et les réponses des internautes y abordent des thématiques variées comme, par exemple, le traitement proposé et / ou subi, son efficacité, les symptômes, les médecins rencontrés, les douleurs supportées, la couverture sociale, etc. Dans ce type de corpus, la notion d’approximation est d'autant plus importante qu'elle pourrait influer sur la pertinence de la solution ou du conseil recherchés. Par l'approximation, les internautes signalent que l'étiquette ou la description employées ne sont peut-être pas les plus correctes, adéquates, conformes ou rigides, mais que celles-ci s'approchent toutefois d'un prototype catégoriel, étant donné un degré plus ou moins marqué de ressemblance avec un prototype ou une catégorie envisagés (Mihatsch, 2009 ; Adler & Asnes, 2010 et 2014 ; Gerhard-Krait & Vassiliadou, 2014). Un énoncé contenant un approximateur est donc « vériconditionnellement indécidable » (Lupu, 2003 : 296. Voir aussi Kleiber, 1987 : 161-162). L'approximation dévoile parfois aussi la possibilité d'un écart entre le référent vulgarisé par l'internaute non spécialiste et le phénomène médical tel qu'un professionnel l'aurait nommé ou décrit. Étant donné que l'approximation mesure le degré d'adéquation du référent par rapport à la catégorie ou au prototype, ou bien opère une extension de la catégorie (voir approximation intracatégorielle et intercatégorielle, Gerhard-Krait et Vassiliadou 2017 : 15), elle permet, pragmatiquement parlant, de viser un champ référentiel plus vaste, qui prend en compte aussi les marges d'erreur, ce qui amplifie les chances de trouver un matching potentiel, sous forme d'une solution précise ou d'un conseil opératoire (voir Jayez et Tovena, 2008 : 8, pour l'« indiscernibilité » entre approximation et précision dans certains contextes). L'approximation sera abordée sous l'angle de la linguistique outillée. La démarche, inductive et guidée par les observables du corpus, est fondée sur l’annotation manuelle préalable de divers marqueurs d’approximation. La typologie effectuée comprend les approximateurs « classiques » comme, par exemple, les noms «métalinguistiques » sorte, type, espèce (Flaux et Van de Velde, 2000 : 26 ; Mihatsch, 2006 ; Schapira, 2014), l'emploi métalinguistique de comme dans comme un/e (Moline, 1996), des pronoms indéfinis tels quelque chose (« peut être que tu a quelque chose de déplace et il te le remettra en place » - sic), mais aussi des séquences verbales telles « ça ressemble à », « on dirait ». Pour évaluer l’annotation effectuée, nous calculerons l’accord inter-annotateur. Le corpus annoté permettra d’effectuer une analyse quantitative et qualitative des marqueurs d’approximation observés. Après avoir introduit le contexte de la recherche menée et les données traitées, nous présenterons, dans la première partie de la communication, la typologie des marqueurs d’approximation présents dans le corpus. La deuxième partie sera consacrée aux conventions et à la méthodologie d’annotation. Les analyses quantitative et qualitative des données annotées seront explicitées dans la partie suivante : on se questionnera, par exemple, sur la valeur de l'approximateur en contexte. La communication conclura sur les résultats obtenus et les perspectives envisagées.