Avant-propos. Construire, détruire : l'art comme sport de combat Antoine Idier « Pervertir » le cinéma, le projet est énoncé à plusieurs reprises par yann beauvais-« pervertir le cinéma narratif » (p. 295), « pervertir le classicisme » (p. 749), etc. Le cinéma, ici, se regarde, ou plutôt s'éprouve, depuis un point de vue assurément pervers, tant les textes d'Agir le cinéma ont été écrits depuis une position doublement minoritaire. Minoritaire, en premier lieu, en tant que point de vue d'un cinéaste défenseur-voire « apôtre » et « prosélyte ! (p. 31 et 33)-du « cinéma expérimental », une pratique artistique en lutte à l'intérieur du cinéma, une pratique qui n'a cessé (et ne cesse) de se défendre contre l'écrasement. « Être cinéaste au sein d'un tel champ, c'est se donner les moyens de frayer sans cesse des stratégies de résistance, afin d'éviter son anéantissement. » (p. 195-196) À lire yann beauvais, l'un de ceux qui a construit, dans les années 1980, le cinéma expérimental comme un espace à part entière du champ de l'art, en France, et en résonance avec d'autres expériences dans le monde entier, son activité a été un travail d'infiltration : Agir le cinéma se lit ainsi comme un manuel de stratégie artistique, d'activisme institutionnel-sur la manière d'occuper des espaces et des institutions pour faire gagner du terrain à des pratiques artistiques. Un manuel, selon la formule de Gilles Deleuze, de « dramatisation » : substituer à la question « qu'est-ce que ? », les questions « qui ?, combien ?, comment ?, où ?, quand ? », délaisser « L'Idée » et « l'essence » pour de « véritables coordonnées spatio-temporelles 1 ». Le cinéma expérimental est en lutte pour exister, pour ne pas être anéanti par le cinéma dominant d'un côté, qu'il soit « industriel » ou « de divertissement » (des catégories à prendre avec des pincettes), mais aussi par un cinéma « d'auteur » ou « d'art et d'essai », finalement bien moins éloigné formellement du premier qu'il ne veut bien le croire 2 , ainsi que, de l'autre côté, par les arts