Carlos Acosta ou l’histoire d’un grand écart
Résumé
Today, not yet fifty years old, Carlos Acosta is considered by dance specialists to be a legend of Cuban ballet. How did a child from an underprivileged social background, who dreamed of playing football like Pelé and was known from an early age as a fruit thief, a brawler, a liar, a mischief-maker –in short, a would-be thug– become the star dancer who is adulated the world over? How did he break with social reproduction, that is, the process of parents passing on the same social positions to their children? How did he become a « transclass », to use the neologism coined in 2014 by Chantal Jaquet? Based on the autobiography Sin mirar atrás, which inspired the biopic Yuli by Spanish director Icíar Bollaín, this article aims to shed light on three characteristics of upward social mobility: the making of the « transclass », its fragility, as well as the idea of « reversed donation » or payment of a social debt.
Aujourd’hui, alors qu’il n’a pas encore cinquante ans, Carlos Acosta est considéré par les spécialistes de la danse comme une légende du ballet cubain. Comment un enfant issu d’un milieu social défavorisé, qui se rêvait footballeur comme Pelé, était connu dès son plus jeune âge comme voleur de fruits, bagarreur, menteur, dissipé ; bref, un voyou en puissance, est-il devenu ce danseur étoile adulé dans le monde entier ? Comment a-t-il pu rompre avec la reproduction sociale, c’est-à-dire ce processus consistant, pour les parents, à transmettre à leurs enfants les mêmes positions sociales ? Comment s’est-il mué en un « transclasse », pour reprendre le néologisme créé en 2014 par Chantal Jaquet ? À partir de l’autobiographie Sin mirar atrás, qui a inspiré le biopic Yuli de la réalisatrice espagnole Icíar Bollaín, cet article entend mettre en lumière trois caractéristiques de la mobilité sociale ascendante : la fabrique du « transfuge de classe », sa fragilité, de même que l’idée de « don reversé » ou paiement d’une dette sociale.