La proposition que je fais ici s’appuie sur un travail de philosophie de terrain (associé au travail de photographie documentaire critique de Philippe Bazin). Il repose sur un terrain d’un mois à Briançon, à la frontière franco-italienne, mené en septembre 2021, à partir de 41 entretiens avec des solidaires et des migrants, autour du travail assumé par plusieurs militants ou aidants dans le cadre associatif. Travail très majoritairement bénévole, ou faiblement salarié pour quelques associatifs ayant pour tâche l’organisation de l’ensemble. Le contexte est celui de l’afflux des migrants à la frontière, à partir de 2015-2016, lié conjointement à des situations internationales de guerre ouverte ou larvée, de violence économique et politique, et de construction progressive, depuis les années 90 et 2000, de l’Europe de Schengen en forteresse. C’est donc à l’encontre des pouvoirs publics, aussi bien municipaux que régionaux, nationaux et internationaux, que des associations vont prendre en charge un travail titanesque d’assistance dans la montagne et d’accueil, pour lequel les solidaires eux-mêmes vont se trouver en butte non seulement aux difficultés d’une telle entreprise privée de soutien financier conséquent, mais aux obstructions administratives et à la persécution judiciaire. Ce sont les effets de ces pressions sur ces travailleurs – dont l’activité est aussi nécessaire que non reconnue –, que je souhaite aborder ici.