« Atterrante et attirante : l’ambivalence de l’étude de la violence légitime » (session « Impact, valeur et éthique de la recherche »)
Résumé
Selon Jacques Semelin, historien et politologue spécialiste des violences masses, la violence est un objet d’étude à la fois atterrant et attirant, et particulièrement difficile. À quoi tient cette difficulté ? Elle réside principalement en ceci que la mise à distance requise avec son objet paraît plus épineuse, car la violence renvoie à la domination, à la souffrance et à la mort d’individus et de groupes. On ne parle pas impunément de la violence. Comment dès lors réfléchir sur celle-ci sans prendre le risque d’être incompris ou bien de ne pas comprendre et entendre les violences subies, voire de justifier des violences s’exerçant concrètement sur des personnes ? La notion classique abondamment reprise aujourd’hui de « violence légitime » pose un certain nombre de questions et n’a pas ou plus le caractère d’évidence qu’on lui prête. Elle suppose qu’il y a en principe de bonnes raisons d’exercer une violence. Or, l’exigence de la recherche implique de garder à l’esprit les effets de son argumentation, sans pour autant se refuser à remettre en question certains discours, ou expliciter la légitimité ou non de certaines pratiques. Travailler sur la violence légitime engage de ce fait l’éthique de l’activité de recherche elle-même.