La compréhension des structures de corrosion des objets métalliques archéologiques et historiques et le diagnostic qui s'ensuit nécessitent des compétences complémentaires issues de plusieurs communautés professionnelles (spécialistes de la corrosion, conservateurs-restaurateurs...) qui travaillent selon des approches qui leur sont propres et diffusent les résultats de leur recherche auprès de leurs réseaux. Cela conduit à un manque de centralisation des informations analytiques produites. Le projet MetalPAT du programme européen Interreg France-Suisse (2014-2020) vise à combler cette lacune par le développement d'une application d'aide au diagnostic participative en ligne et en libre accès, MiCorr (https://micorr.org/), utilisant une riche base de données de formes de corrosion des métaux anciens et équipée de moteurs de recherche avancés [1]. La méthodologie du projet s'appuie sur une documentation multi-échelle des objets étudiés. Dans un premier temps, les produits de corrosion sont documentés par le conservateur-restaurateur sous microscope binoculaire par micro-sondage au scalpel. La description est tactile et porte sur les paramètres de brillance, de couleur et de texture [2]. De là, on construit, via la plateforme MiCorr, une première stratigraphie de la structure de corrosion dite Bi (pour binoculaire). Dans le cas où un échantillon peut être prélevé, celui-ci est observé en section transversale, à l'aide de différentes techniques de microscopie fournissant des informations complémentaires. La microstructure du métal, révélée par attaque chimique et observée au microscope métallographique, nous renseigne sur les technologies de production [3]. La microscopie électronique à balayage couplée à un système de spectroscopie à dispersion d'énergie (MEB-SDE) détermine la composition chimique élémentaire du métal et des produits de corrosion. Enfin, des techniques d’identification structurelles, couplées à des systèmes de microscopie, comme la micro-spectroscopie Raman (µ-Raman) et la micro-diffraction de rayons X (µ-DRX) identifient les phases constituant les produits de corrosion. Cette caractérisation fine permet de construire, toujours via MiCorr, une seconde stratigraphie numérique de la structure de corrosion observée sur l’objet, dénommée CS (pour cross-section). La base de données de MiCorr est donc constituée à la fois de stratigraphies (Bi et CS) de structures de corrosion et de fiches objets contenant la documentation analytique associée à chaque objet et chaque stratigraphie. De nombreux artefacts présentant des formes de corrosion spécifiques à la région Interreg France-Suisse, y compris des systèmes de corrosion complexes rarement abordés, ont été étudiés dans le cadre du projet MetalPAT. Ainsi le corpus comprend des objets souffrant de délitement des produits de corrosion, tels une hache et un poinçon en bronze provenant du site archéologique de l'âge du bronze de Salins-les-Bains (FR), ainsi qu'une fibule et un cure-oreille en laiton provenant du site antique d'Avenches (CH). D’autres objets présentent des types de corrosion spécifiques à des sites humides, c’est le cas des épingles en bronze provenant des sites lacustres de l’âge du bronze de Hauterive Champréveyres (CH) ayant des patines jaune doré, ainsi que des produits intermédiaires de la chaine opératoire du laiton provenant du site antique d’Autun (FR) à proximité d’un puits et présentant des patines noires. La plupart des objets ont montré des phénomènes de décuprification (bronzes) et de dézincification (laitons) avec des morphologies variables en fonction de la composition et de la microstructure métallique, ainsi que de l'environnement d'enfouissement [4]. La combinaison des approches du conservateur-restaurateur et du scientifique, grâce à l'utilisation de l'application MiCorr, étayée par une caractérisation multi-échelle complète des structures de corrosion observées a permis de mieux comprendre les mécanismes de corrosion les ayant engendrées, facilitant de fait le diagnostic.