Tandis que l’attention générale est focalisée sur la vie juridique de l’Accord de Paris sur le climat, l’Organisation maritime internationale (O.M.I.) adopte régulièrement de nouvelles prescriptions visant à réduire la pollution atmosphérique résultant des transports maritimes. Cette contribution n’est pas anodine quand on sait qu’un gros porte-conteneurs peut émettre autant de gaz à effet de serre que 50 millions d’automobiles et qu’actuellement 50 000 navires marchands expulsent leurs gaz d’échappement au-dessus des océans. L’ampleur de la pollution produite par ces navires ne tient pas tant à la taille des engins qu’au carburant utilisé pour les propulser : le « fuel-oil » ou « bunker », cent fois plus toxique que le diesel ou l’essence (mais beaucoup moins onéreux), très fortement chargé en soufre. C’est pour limiter l’émission de ces vapeurs soufrées que l’OMI a adopté en octobre 2016 une série de mesures inédites à l’échelle mondiale (dans une résolution portant la référence MEPC.278 (70), « Data collection system for fuel oil consumption of ships »). L’O.M.I., qui regroupe aujourd’hui 172 Etats membres, est sans doute le cadre le plus adapté à mener ce genre d’action. C’est notamment pour prévenir la pollution de l’environnement provenant des navires, qu’elle a été créée en 1948 sous les auspices de l’ONU. Pour mieux répondre à cet objectif, l’organe directeur de l’O.M.I. (l’Assemblée) a institué en 1973 un Comité de la protection du milieu marin (MEPC). Cet organe spécialisé est celui qui, lors de sa 70ème session tenue à Londres du 24 au 28 octobre 2016, a adopté la résolution MEPC. 278(70) visant à réduire la pollution atmosphérique des navires. À titre principal, la résolution instaure un nouveau système de collecte de données obligatoires sur la consommation de carburant des navires, elle fixe à 2020 (et non 2025 comme l’espéraient les industriels pétroliers) l’entrée en vigueur d’un nouveau plafond mondial des émissions de soufre par les navires. Tout cela est très obscur pour un non-spécialiste du droit de l’O.M.I. Il est impossible de comprendre et d’apprécier les nouvelles règles sans pouvoir les situer dans la stratégie globale de l'O.M.I. concernant la réduction des émissions de gaz à effet de serre provenant des navires. L’objectif de l’étude est de pallier ces difficultés, en proposant des clés de compréhension de la résolution MEPC.278 (70), qui marque l’actualité de la lutte internationale contre la pollution de l’air par le transport maritime à une époque où la question est devenue trop importante pour demeurer ignorée des non-spécialistes. L’étude de la dernière résolution en date de l’O.M.I. est l’occasion d’une rétrospective sur l’encadrement juridique de sur la pollution atmosphérique des navires. À partir des interrogations suscitées par la résolution MEPC.278 (70) (sa plus-value juridique ? son efficacité ?), l’article propose une présentation des principales règles relatives à la prévention de la pollution de l’atmosphère par les navires. Pour évaluer la plus-value substantielle de la résolution au regard de la réglementation existante, il commence par donner un aperçu de l’état du droit en vigueur en matière de contrôle et de limitation de la pollution atmosphérique des navires, et notamment du contenu de la Convention MARPOL pour la prévention de la pollution par les navires. Pour mesurer l’efficacité de la résolution (son entrée en vigueur et son application), l’article développe une analyse technique qui nécessite de plonger au cœur du système original de l’O.M.I. Il est frappant de constater que les techniques de formation des règles ainsi que leur application, bien que coordonnées sous les auspices de l’organisation, sont étroitement liées à la volonté des Etats parties à la Convention MARPOL : ce n’est pas la logique du droit dérivé de l’organisation qui est à l’œuvre, mais celle du droit conventionnel. L’O.M.I. est utilisée comme un instrument de collaboration par les Etats parties à la Convention MARPOL (qui peuvent d’ailleurs ne pas être membres de l’organisation), fidèle à la figure traditionnelle de l’organisation technique créée comme outil institutionnalisé de la coopération interétatique.