Maîtriser une langue seconde (L2) est un défi autant plus si la langue seconde appartient à une autre famille de langues que la première langue (L1) des apprenants. Les apprenants francophones de l’allemand sont exposés à ce type de défi. L’allemand présente un vocabulaire et une structure syntaxique différents du français. Pendant longtemps, les études sur l’apprentissage de l’allemand se sont concentrées sur les phénomènes structurelles comme les déclinaisons (Forlot, 2009) et l’organisation syntaxique de la phrase (Schaeffer-Lacroix, 2015). Mais apprendre une langue, c’est aussi s’exprimer à l’oral. La langue orale va de pair avec la prononciation, un sujet qui a été écarté pendant longtemps dans l’enseignement de l’allemand en France alors que les deux langues présentent aussi au niveau phonétique des différences considérables (Kohler, 1990 ; Fougeron et Smith, 1993). Contrairement au français, l’allemand connaît une opposition phonologique entre des voyelles longues et brèves qui varient, sauf pour quelques paires, aussi dans la qualité vocalique (Weiss, 1974 ; Hall, 2011 ; Ternes, 2012). Par cette opposition, le nombre de voyelles orales allemandes est quasiment le double des voyelles orales françaises. En revanche, l’allemand ne présente pas de voyelles nasales. Tous les phénomènes de nasalisation sont portés par les consonnes nasales, en allemand. Par rapport aux consonnes, l’allemand intègre les consonnes /ç, x, ŋ, ʔ, h/ absentes du système phonémique du français même si /ŋ/ peut apparaître dans des emprunts anglais comme parking [paʁkiŋ]. Sur le plan suprasegmental, nous trouvons un accent lexical en allemand qui se trouve le plus fréquemment sur la première syllabe dans les mots polysyllabiques (Domahs et al., 2008). En français, nous trouvons un accent de groupe qui se place plutôt à la fin d’un groupe de mots (Lacheret et Victorri, 2002). Des accents initiaux peuvent cependant apparaître en français dans certains styles de paroles comme le style journalistique (de Mareüil et al., 2012). Les questions qui se posent alors est comment enseigner la prononciation de l’allemand à un groupe d’étudiants en classe et quels sont les bénéfices d’un enseignement de la prononciation. Pour cela, j’ai créé un enseignement explicite, formel avec des exercices de production orale. Ce type d’enseignement a pour objectif d’augmenter la conscience linguistique chez les apprenants qui les aide à mieux produire et percevoir leur L2 (Wrembel, 2011). Les étudiants étaient enregistrés à des intervalles réguliers (quatre fois au cours d’un semestre) et certains ont participé à un test de perception avant et après les cours de prononciation. Les résultats montrent que certains segments (voyelles, consonnes) sont facilement produits après leur introduction dans le cours de prononciation. Cela est le cas des voyelles longues et brèves et de la production du /h/ allemand. En ce qui concerne la perception, les éléments qui présentent de nombreuses informations acoustiques comme les voyelles longues et brèves et la position de l’accent lexical bénéficient de l’enseignement formel. En revanche, la perception de segments qui ne présentent que peu d’informations acoustiques comme /h/ ne s’améliore pas avec une conscience linguistique accrue.