Cet ouvrage aborde les périodes les plus reculées, de la fin de la préhistoire aux premiers siècles de l’histoire : l’écriture ne concerne alors qu’une région limitée à la Mésopotamie et à l’Élam – sans oublier l’Égypte, que nous ne traiterons pas ici. Les confins iraniens, le Levant Sud, l’Anatolie, Chypre et l’Arabie ne sont pas – ou pratiquement pas – des zones où l’on écrit. Même en Mésopotamie, les guerres et batailles ne sont mentionnées dans les textes qu’à partir de 2500 av. J.‑C. De même, les supports visuels se développent avant tout dans le monde cités-États et reflètent un certain idéal du pouvoir, souvent axé sur la force guerrière symbolisant la grandeur royale soutenue par les dieux. Les grands chefs-d'œuvre de l’art antique du Proche-Orient que sont l’étendard d’Ur, la stèle des Vautours et la stèle de Naram-Sin ont contribué à voiler l’essentiel des données qui constituent la matière première de la recherche archéologique : des milliers d’objets – en pierre parfois, voire en os ou en bois, et en métal souvent. Ces armes, découvertes dans les tombes, les dépôts votifs des temples, les ateliers, les maisons ou les palais, ne sont pas de simples artefacts destinés à être inventoriés et analysés technologiquement ou typologiquement. Elles apportent bien davantage : par leur lieu et leur contexte de découverte, leur datation, leurs caractéristiques techniques, morphologiques, fonctionnelles et esthétiques, elles révèlent – de façon objective – l’évolution des savoir-faire, la transmission des concepts, le développement de l’art du combat et des pratiques militaires, l’hétérogénéité culturelle et la différenciation sociale. Elles sont les vestiges de modes et de traditions, d’innovations et de conservatismes, de conditions économiques et de choix artisanaux. Les armes sont aussi la composition équilibrée de leurs deux aspects les plus fondamentaux : l’efficacité et le design. L’une, pragmatique, est essentielle pour vaincre ou se protéger en mettant l’ennemi hors d’état de nuire. L’autre, symbolique, inclut les atouts non matériels tels que la valeur, le prestige, le potentiel de virilité, la protection divine, etc. Dans ce présent ouvrage, notre parti pris archéologique, matériel, culturel est exposé avec un souci de précision, d’analyse et de synthèse, sur le long terme et par grande aire chrono-culturelle. Si une large part est faite à l’armement de Sumer et d’Akkad, les autres régions seront prises en considération : nous verrons par exemple toute l’influence des zones septentrionales dans la conception des principales formes de l’armement oriental. Nées de l’union des progrès techniques et des conditions sociopolitiques propres à une région qui a vu éclore la sédentarité, l’urbanisation, la hiérarchisation, la civilisation et la guerre, les armes invitent le lecteur à un parcours original au Proche-Orient ancien.