Revisiter la pensée goffmanienne à l’ère des mouvements identitaires genrés, racialisés, ethnicisés, religieux, nous donne l’occasion de constater l’actualité des mécanismes symboliques et sociaux mis au jour par le sociologue, tout en les nuançant par rapport à un contexte social et médiatique complexe, connecté et cosmopolite (Frame, 2015), traversé par des dynamiques identitaires parfois polarisées et hyperinvesties. À partir de l’exemple des identités genrées, cette contribution propose de repenser la figuration symbolique (facework) à l’échelle microsociale, configurée par des discours méso- ou macrosociaux qui rendent « suspecte » les identités dites « hégémoniques ». La catégorisation sociale constitue une pierre angulaire de la pensée goffmanienne, source de prévisibilité dans une société voulue culturellement homogène (Goffman, 1973). Mais qu’en est-il d’une société dans laquelle les identités catégorielles hyperinvesties peuvent devenir une source d’anxiété symbolique face à un risque anticipé de stigmatisation ? Comment incarner l’identité masculine à l’heure de #MeToo ? Comment assumer la « blanchité » à l’époque woke ? Cette contribution s’appuiera sur Stigmate (Goffman, 1963) afin de penser l’obligation de distanciation symbolique par rapport aux stéréotypes négatifs associées à des identités « suspectes » (discréditables ou discréditées dans la terminologie de Goffman), afin de mieux décoder certaines tensions identitaires qui caractérisent nos sociétés à l’heure actuelle.