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Communication Dans Un Congrès Année : 2019

Décor des céramiques islamiques : l’émail ‘blanc’ moteur de l’expansion de la céramique islamique ?

Résumé

Comme en Asie, en Islam la céramique est considérée comme un art majeur. Majeur est aussi l’influence de cette céramique sur le développement technique et esthétique en Europe par l’utilisation de l’émail blanc afin de rivaliser avec la porcelaine chinoise. Les mots utilisés dans les différentes langues pour définir la poterie, la céramique, les émaux et le verre montrent que ces produits sont plus que des objets comme en témoignent les mots grecs et latin liés à leurs propriétés particulières ou leur lieu de naissance; l’appellation chinoise explique déjà l’importance de la céramique en Chine. Quelques définitions techniques sont nécessaires: le principal critère est la porosité, c’est à dire le degré de cuisson Terres cuites et faïences sont poreuses donc cuites à basse 700-800°C ou moyenne température 1000°C mais doivent impérativement être émaillées pour être étanches, les porcelaines et grès, non poreux doivent être cuits à haute température entre 1200 et 1450°C et utiliser des matières réfractaires comme le kaolin. Les émaux des terres cuites et faïences cuits à basse température seront à base de plomb tandis que la couverte des porcelaines et grès, réfractaire sera alcaline ou alcalinoterreuse. Les fritware et la porcelaine tendre sont à part, car intermédiaires sur de nombreux points. Un peu d’histoire. La terre cuite date de plus de 15 000 ans, les émaux de près de 4000 ans. Les grès en Chine datent aussi de 3000 ans et les premières porcelaines de la fin des Sui - début des Tang, la fin du 6e début du 7e siècle. La porcelaine avec un décor polychrome se développe sous les Tang. La faïence, un tesson que l’on peut qualifier d’argileux, poreux émaillé en blanc à l’oxyde d’étain, sans rapport avec la dite faïence égyptienne qui est une fritware aussi appelée stonepaste est la réponse des potiers de Mésopotamie au tournant du 7e-8e siècle. Cette période peut être considérée comme l’origine de la céramique au décor émaillé. La production de céramique décorée émaillée va se répandre avec l’expansion de l’Islam, très rapidement au Moyen-Orient puis jusqu’à l’Espagne, et plus lentement en Europe où elle arrive au 15e siècle. Les fouilles sous-marines en particulier celle du Belitung près des cotes indonésiennes, daté de 830, venant sans doute d’Oman ont confirmé la similarité ‘visuelle’ des porcelaines Tang des fours de Changsa et de Gongxiang avec les productions Abbassides du sud de la Mésopotamie (Bassorah) ou d’Iran. Regardons la technique : Comment obtenir un support céramique blanc. Premièrement, avec une pâte blanche, donc sans fer et cuite en atmosphère réductrice c’est la porcelaine , ici une porcelaine de Sèvres, une technique demandant des fours complexes, ou en déposant un engobe blanc, méthode qui sera celle des céramiques dites d’Iznik, ici à Edirne la mosquée Ottomane Selimiye édifié par Minar Sinan au 16e siècle, ou avec un émail opacifié en blanc, la Faïence avec l’exemple des Azulejos à Evora Portugal. L’opacification en blanc peut être obtenu par de nombreuses techniques, toutes mettant en œuvre la diffusion de la lumière du fait de l’hétérogénéité optique de l’émail, le plus simple ce sont les micro-bulles ou certaines phases à haut indice optique, en particulier la cassitérite, l’oxyde d’étain. La littérature classique, Allan, une référence des années 1990, mesurait en analyse élémentaire la présence d’étain Sn dans les premières « faïences » Abbassides et en concluait une opacification à l’étain. La qualité de ces céramiques vient que les limons de l’Euphrate sont extrêmement fins, nanométriques, mais colorés par des oxydes de fer. Sur cette analyse élémentaire on voit bien de l’étain dans les émaux, au plomb pour le vert et le rouge, alcalin pour le crème, le maximum d’étain est cependant observé à la limite entre les différents émaux. L’identification des phases par analyse Raman montre que c’est au contact émail vert au plomb-émail crème alcalin que précipite la cassitérite. Donc pas d’opacification à l’étain; ce n’est pas encore une faïence. Mais rapidement les potiers mettre à profit le phénomène, d’abord en déposant une couche d’oxyde d’étain sous émail au plomb puis en contrôlant la précipitation homogène de la cassitérite dans tout l’émail, économisant l’étain, matière chère et importée. D’où vient cette technique d’opacification par précipitation de cassitérite dans un verre. La plus ancienne évidence a été trouvée dans des tesselles de mosaïque de l’église St Aquilino à Milan à la toute fin de l’époque Romaine. L’obtention ‘facile’, à relativement basse température d’un substrat céramique blanc conduisit avec l’expansion des productions opacifiés à la cassitérite, en particulier les céramiques lustrées Abbassides polychromes comme celles de la mosquée de Kairouan sur lesquelles nous reviendront, Fatimides puis d’al Andalous et ensuite des Majoliques, en Italie puis en France. Nous aborderons deux alternatives, les productions d’Iznik après 1480 et la porcelaine tendre d’abord de Rouen avant 1680 puis de Saint-Cloud fin 17e bien avant la porcelaine de Meissen en 1705. Les premiers lustres de Samara ou Bagdad, comme ceux conservés à Kairouan montrent un décor polychrome par diffraction (donc pour un angle particulier de l’observateur vis-à-vis de l’éclairage et de l’objet) qui dépend du filtrage qui se produit dans l’émail du fait d’une distribution ordonnée de nanoparticules de cuivre ou d’argent. Pour les autres orientations on a la couleur du plasmon dans les tons de cuivre. Sur une section au microscope optique on ne voit que la brillance des couches riches en nanoparticules. C’est le premier dispositif photonique, analogue à certains filtres produits de nos jours. La technique polychrome se perdit rapidement et seule le lustre à reflet d’or ou d’argent perdura et est encore produit traditionnellement en Espagne. Disposant de la pâte siliceuse « syrienne » les potiers Ottomans d’Iznik utilisent d’abord une couche d’oxyde d’étain comme fond pour des décors bleus; ce sont les productions appelée Master of the Knots ou Babba Nakkas, ensuite –ou simultanément – une couche de grains de quartz est déposée pour faire le fond blanc, la pâte étant rouge ou rose; cette couche recouverte d’émail au plomb et de sur-émaux de petit feu renvoie la lumière donnant aux Iznik leur éclat sans pareil. Les analyses destructives sur quelques tessons sont remplacées par des analyses non-invasives sur site générant une vue statistique – par exemple par Fluorescence X portable, identifiant rapidement les groupes en utilisant une analyse algorithmique multivariable (une sorte dIA). Ainsi, contrairement à la littérature (J. Cardswell) on voit deux provenances/technologies pour le Mihrab de la mosquée Muradiye d’Edirne, la première Capitale Ottomane. Une première identique aux carreaux de Sah Melek pacha, la seconde identique aux carreaux Muradiye « Chinois » et à ceux de Uc Serefeli Le travail sur site non-invasive permet d’étudier des objets documentés C’est généralement le cas des bâtiments. L’opacification à l’oxyde d’étain est utilisée non-seulement pour les faïences mais aussi pour certains émaux des premières porcelaines tendres comme celles de Chantilly, de Sceaux-Bourg-la-Reine, de Lille et de Vincennes En Conclusion, a réponse des potiers du monde Islamique pour imiter la porcelaine chinoise à conduit à à des utilisations nouvelles de techniques existantes • opacification à l’étain (Romain =>) • utilisation du lapis lazuli en substitution/complément du cobalt (Ptolémées=>) • bleu sous émail (Chine=>) Mais aussi des innovations sans précédent • lustre polychrome et monochrome (Abbassides) • superposition complexe d’émaux (Iznik) Pour certaines technologies il est possible que de nouvelles découvertes modifient notre perception de la chronologie et des usages/productions
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Dates et versions

hal-03964403 , version 1 (31-01-2023)

Identifiants

  • HAL Id : hal-03964403 , version 1

Citer

Philippe Colomban. Décor des céramiques islamiques : l’émail ‘blanc’ moteur de l’expansion de la céramique islamique ?. 3e Congrès des études sur le Moyen-Orient et les Mondes musulmans, 3-5 Juillet 2019, Paris Atelier 19 : La céramique, marqueur des cultures du Dar al-Islam, Jul 2019, Paris, France. ⟨hal-03964403⟩
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