Depuis les représentations de Boris Godounov de Moussorgski organisées par Serge de Diaghilev à l’Opéra de Paris en 1908, suivies des célébrissimes saisons de Ballets russes qui susciteront scandales et admirations passionnées de 1909 à 1929, la France a connu une russophilie musicale assurant le rayonnement des partitions de Rimski-Korsakov, Stravinsky et Prokofiev. Mais cette russophilie ne préparait pas pour autant un accueil favorable envers les nouveaux compositeurs soviétiques appartenant à un régime qui suscitait alors hostilité et défiance. De fait, dans la période de l’Entre-deux guerres, bien peu de place est réservée dans les concerts français aux compositeurs associés au nouveau régime communiste puis stalinien. Est-ce à dire que la Russie soviétique n’est pas parvenue à exporter à l’étranger une nouvelle et brillante image de sa vie musicale ? L’article montre le contraire. S’appuyant sur l’ensemble des numéros d’une des plus grandes revues musicales de l’époque, Le Ménestrel, entre 1920 et 1940, il souligne les différents visages qui sont données à voir de la vie musicale soviétique, riche et diverse. À travers ces articles, c’est aussi toute une histoire de la musique soviétique qui se laisse découvrir, depuis les conséquences de la révolution bolchévique jusqu’à l’asservissement esthétique voulu par Staline, en passant par une période d’inventivité et de créativité extraordinaires, tirant bénéfice du soutien considérable apporté par le nouveau régime à la vie artistique. Si la période paraît mal commencer et mal terminer, une dynamique a été lancée qui trouvera à s’accomplir après la Seconde Guerre mondiale.