The other side of the Republic : History and historians at the Académie française (1870-1940)
L’envers de la République. Histoire et historiens à l’Académie française (1870-1940)
Résumé
Throughout the Third Republic, the Académie française remained one of the most prominent institutions in the field of cultural production. Its forty members, however, embodied what Arno Mayer termed “the persistence of the Old Regime”, as promoters of political and cultural values opposed to the intellectual model, both republican and secular, endorsed by the regime. This un-peaceful coexistence resulted from a convergence of interests between the state and the academicians, allowing the former to benefit from the Academy’s national and international reputation as well as its contribution to nationbuilding, while academicians derived considerable social prestige and moral authority from this official patronage. Even though the French social memory canonized the Académie française as a literary institution, we argue that the case of history best exemplifies these dynamics. Drawing on a prosopography of Académie française historians and a database of the annual prizes awarded by the academicians to history books, this paper highlights the significant features of the institution, defined as a counter-society deeply embedded in Catholicism, aristocracy, nationalism, and royalism, at the forefront of a genuinely counter-hegemonic project. In doing so, this research sheds light not only on a remarkable section of the Third Republic’s cultural field but also on a political institution generally overlooked by historical scholarship despite its pivotal function in the “culture wars” of the period.
L’Académie française demeura tout au long de la IIIe République une institution dominante du champ de production culturelle. Ses quarante membres incarnaient cependant, dans les termes d’Arno Mayer, une forme de « persistance de l’Ancien Régime », en tant que défenseurs de valeurs politiques et culturelles en rupture avec le modèle intellectuel, à la fois républicain et laïc, promu par le régime. Cette coexistence tout sauf pacifique peut être rapportée à une convergence particulière d’intérêts entre l’État et l’Académie, par laquelle le premier bénéficiait de la réputation nationale et internationale de la seconde ainsi que de sa contribution à l’édification de l’identité nationale, tandis que l’Académie retirait pour sa part un prestige social et une autorité morale considérable de ce patronage officiel. Bien que la mémoire sociale ait canonisé l’Académie française sous les traits d’une institution littéraire, nous faisons l’hypothèse que ces dynamiques prennent tout leur relief au travers du cas de l’histoire. Appuyé sur une prosopographie des historiens académiciens et une base de données des prix décernés chaque année aux ouvrages historiques, cet article met en lumière les traits caractéristiques de cette institution, contre-société ancrée dans le catholicisme, l’aristocratie, le nationalisme et le royalisme, aux avant-postes d’un véritable projet de contre-hégémonie intellectuelle. De la sorte, cette recherche éclaire non seulement une portion conséquente du champ culturel de la période, mais plus fondamentalement une institution politique négligée par la littérature historique en dépit de son rôle capital dans les « guerres culturelles » du temps.