Mes recherches portent actuellement sur les pratiques discursives qui accompagnent les œuvres musicales dans leur existence sociale. Elles concernent les verbalisations portées sur la musique contemporaine, les pratiques d’indexation et de médiation des œuvres chargées de les présenter et d’en rendre compte, afin de guider l’écoute des publics (programmes de salle, interviews, critiques, etc.). Je les observe plus particulièrement depuis la pratique, tacite et ritualisée, d’écriture de notices rédigées par les compositeurs eux-mêmes. Cette pratique se généralise au début des années soixante, et offre un nouvel espace de parole au compositeur. Cet écrit d’artiste, lié à l’avant-garde musicale, présente des traits caractéristiques communs avec les manifestes. Une même tension y est repérable entre assignation à une posture commune et logique de désaffiliation (Larue, 2008 ; Vital, 2010), même si les notices sont écrites par un seul créateur et à propos d’une œuvre singulière. Leur rédaction est l’objet d’un travail qui tente d’articuler un exercice d’écriture, côté compositeur, à une expérience à forte composante pratique et perceptive, côté public. Des entretiens, que nous n’exploiterons pas ici, montrent que cet objet est investi de sens par les compositeurs, depuis diverses entrées ou composantes, des plus générales aux plus intrinsèques à l’acte compositionnel. Les mots choisis par les compositeurs, définitions, conceptualisations, descriptions, explications qu’ils s’autorisent, ressources informationnelles, littéraires, biographiques, historiques, théoriques qu’ils mobilisent à cette occasion, sont révélateurs de leur manière propre de faire parler leur œuvre, lorsqu’ils ont à la présenter aux publics. La base empirique de ce travail repose sur un corpus de notices déposées au Centre de Documentation de la Musique Contemporaine de Paris, d’œuvres composées en 1975 (n = 240). Elles traduisent les préoccupations de l’époque, sur fond d’une routinisation de la pratique par rapport au début des années soixante. L’étude de ces textes empruntera aux outils de l’analyse qualitative de discours (thématique, par genres communicationnels et catégories conceptualisantes). Nous faisons l’hypothèse qu’il est possible d’établir, au sein de cette même catégorie de texte, une typologie entre paratexte de la musique et sur la musique et de la mettre en relation avec les caractéristiques des œuvres qui y correspondent (vocales, instrumentales, électroacoustiques, et autres caractéristiques non attendues que l’analyse permettra de faire émerger).