L’utilisation des pesticides est dépendante des cultures et de la région considérée. Cependant, la succession des molécules au cours du temps s’explique principalement par des facteurs externes tels que l’apparition de résistance, la mise sur le marché de nouvelles molécules et les restrictions d’usage voire les retraits d’homologation (Nicola et al., 2011). Ces données d’usage des molécules sont indispensables à la bonne compréhension des processus de transfert des pesticides. Pourtant, elles constituent généralement une des principales sources d’incertitude dans la modélisation de ces transferts à l’échelle du bassin versant. Seule l’information provenant de l’exploitation agricole permet une localisation des parcelles traitées et l’identification des molécules. En réduisant la zone d’étude, il est possible de renseigner les pratiques phytosanitaires sur plusieurs années par le biais d’enquêtes auprès d’experts agricoles. Ainsi, les incertitudes liées aux intrants peuvent être limitée et il est alors possible de raffiner les processus pris en compte dans la modélisation. Cependant, en réduisant la zone d’étude, il n’est plus possible de bénéficier de bases de données de suivi de la qualité des masses d’eau. Dans le cadre des études menées sur le bassin versant de l’Orgeval par exemple, il a été nécessaire de mettre en place un suivi en continu de la contamination du cours d’eau par les pesticides afin de valider la démarche de modélisation initiée sur le bassin (Queyrel et al., 2015). Par ailleurs, se pose la question de la représentativité d’un petit bassin versant au regard de ce qui se passe sur l’ensemble du bassin de la Seine. Afin de vérifier dans quelle mesure les études réalisées sur le bassin de l’Orgeval sont transférables au bassin de la Seine, il est important d’étudier dans un premier temps la dynamique du transfert des pesticides sur le long terme. Pour cela, nous avons focalisé l’étude sur la Déséthylatrazine (DEA), métabolite de l’Atrazine dont l’utilisation est prohibée depuis 2003. Alors que les teneurs en atrazine dans les eaux des grandes rivières du bassin parisien sont aujourd’hui nettement plus faibles que ce qu’elles étaient avant l’interdiction de cette molécule, les teneurs constatées actuellement en un des principaux métabolites, la DEA ne diminuent que très faiblement. L’absence d’application récente permet de s’affranchir d’apports rapides et saisonniers liés au calendrier de traitement. Seule la vidange progressive des stocks est prise en compte. Cela implique d’avoir suffisamment de données de contamination disponibles tant spatialement que temporellement, pour les eaux de surface et souterraines, et de connaitre la contribution des principaux aquifères au débit des cours d’eau. L’étude proposée ici s’intéresse aux phénomènes de transport de pesticides et produits de dégradation au sein de l’hydrosystème à grande l’échelle d’un grand bassin versant. Le principal objectif est de relier les concentrations en DEA observées dans les cours d’eau aux concentrations que l’on pourrait considérer comme représentatives des différents compartiments de l’hydrosystème et aux contributions hydrologiques de ces compartiments au débit de la rivière. La méthode prospective proposée repose sur une hypothèse selon laquelle la contamination résiduelle des cours d’eau par la DEA provient prioritairement des apports d’eau contaminée liés audu drainage des aquifères par ces cours d’eau. La démarche nécessite de pouvoir établir un bilan quantitatif des apports des aquifères et donc une connaissance des échanges nappes-rivières à l’échelle du bassin versant de la Seine. Un bilan quantitatif des échanges nappes-rivières a été établi via la modélisation sur l’ensemble du bassin de la Seine dans le cadre du PIREN-Seine (Flipo et al., 2013). Cette méthode est originale dans la mesure où aucune référence bibliographique n’aborde frontalement la question de la pollution diffuse dans une démarche « ascendante » (dite bottom-up). En effet, il existe un grand nombre de travaux à l’échelle d’un bassin versant incluant les pratiques agricoles, les relations entre les aquifères et les eaux de surface, soit une démarche « descendante » (dite top-down) (Flipo et al., 2004 ; Ledoux et al., 2007 ; Baran et al., 2008 ; Belier, 2013) ; toutefois, les travaux s’intéressant à l’origine de la pollution diffuse par rapport à une station de référence en prenant en compte l’origine de l’eau sont rares, même si les apports de polluants des aquifères vers les cours d’eau en période de drainage sont évoqués de longue date (Czernichowski-Lauriol et al., 1999).