Depuis les années 1960, des pratiques de soins non conventionnels constituent des recours de santé de plus en plus importants dans les pays occidentaux. A partir des années 1990, leurs articulations avec les pratiques médicales officielles sont pensées en termes de complémentarité et d’intégration, et étudiées par certains sociologues et anthropologues comme des processus de pluralisation médicale et thérapeutique. A travers l’exemple d’un congrès sur les « thérapies complémentaires » organisé en 2016 par des docteurs et professeurs en médecine, auxquels sont associés d’autres professionnels - qu’ils appartiennent ou non au champ de la santé réglementé -, nous mettons en évidence l’émergence de nouvelles configurations d’acteurs participant au processus de pluralisation médicale. Cet événement, à l’intersection du monde médicoscientifique et de celui des pourvoyeurs d’« autres médecines », est interprété ici comme une arène sociale dans laquelle les acteurs négocient la place des « thérapies complémentaires » dans le système de soins officiel. L'objectif du congrès est de créer des lieux de débats sur des pratiques à faible légitimité médicale. Cette ouverture est négociée au sein du monde médicoscientifique par la désignation de ces pratiques comme « complémentaires », et leur inscription dans les cadres normatifs de la médecine des faits probants, tout en adoptant une présentation contrôlée et prudente de pratiques qui s’écarteraient du paradigme biomédical. En insistant sur la complémentarité et le caractère innovant de ces pratiques, à la fois thérapeutique et organisationnel, les organisateurs en proposent une vision positive répondant aux objectifs d’amélioration de la qualité des soins et de service rendu aux usagers.