Cette intervention souhaite se centrer sur la façon dont l’engagement d’Halbwachs en tant qu’intellectuel s’est très concrètement traduit dans ses travaux sur les dépenses ouvrières. A la suite de son ouvrage de 1912 La Classe ouvrière… qui répondait, à l’appui de données allemandes, à une discussion scientifique avec le monde académique germanophone sur la notion de classe, ses travaux sur les budgets ouvriers prennent un nouveau tournant. La connaissance des dépenses ouvrières vient en effet nourrir les débats qu’il engage avec deux interlocuteurs distincts qui érigent des standards qui ne reflètent pas le genre de vie ouvrier : à l’échelon national, la statistique administrative, dont Halbwachs n’a de cesse de contester le « budget ouvrier type » pris pour base du calcul de l’indice du coût de la vie ; à l’échelon international dans les institutions genevoises, où, avec le BIT, il fait face à l’ascendant pris par les nutritionnistes de la SDN qui façonnent un régime alimentaire normatif. Ainsi, des années 1905 à sa disparition tragique, l’intérêt continu et renouvelé porté par Halbwachs aux budgets ouvriers participe de son engagement intellectuel au service de la classe ouvrière.