Science de l’homme et raison des femmes : Rousseau et la division genrée du travail scientifique - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Annales de la Société Jean-Jacques Rousseau Année : 2022

Science de l’homme et raison des femmes : Rousseau et la division genrée du travail scientifique

Résumé

This contribution would like to return to the image of Epinal du Rousseau misogynist and archaic by addressing a neglected place of the commentary. The sexual differentialism of Emile indeed takes on a singular meaning when it comes to understanding its function in thinking about the sciences. The moral philosophy which is its culmination is forged by virtue of an unprecedented collaboration between the two sexes, between whom the philosopher conceives a division of labor that is original to say the least. Because the “theory of man” requires the participation of women: Rousseau is not content here with assigning women a place, considered central, within family and social life. By reserving for them the privilege of observing and penetrating hearts, it offers them a place of choice in the discovery and implementation of moral philosophy. Here as elsewhere, when it comes to civil relations, the woman serves as an “anchor” and allows the man to free himself from the constraints that this anchoring supposes. The originality of Rousseau's position appears thus: while he postulates the inaptitude of women for the abstract sciences and their inability to generalize, it is not for him to affirm the intellectual incompetence of women in general, but to naturalize their skills of observation by manifesting the benefits for moral science.
Cette contribution souhaiterait revenir sur l’image d’Epinal du Rousseau misogyne et archaïque en abordant un lieu négligé du commentaire. Le différentialisme sexuel de l’Emile revêt en effet un sens singulier lorsqu’il s’agit de comprendre sa fonction dans la réflexion sur les sciences. La philosophie morale qui en est l’aboutissement se forge en vertu d’une collaboration inédite entre les deux sexes, entre lesquels le philosophe conçoit une division du travail pour le moins originale. Car la « théorie de l’homme » exige le concours des femmes : Rousseau ne se contente pas ici d’assigner aux femmes une place, jugée centrale, au sein de la vie familiale et sociale . En leur réservant le privilège de l’observation et de la pénétration des cœurs, il leur offre une place de choix dans la découverte et la mise en œuvre de la philosophie morale. Ici comme ailleurs, lorsqu’il est question des rapports civils, la femme sert « d’ancrage » et permet à l’homme de se libérer des contraintes que cet ancrage suppose . L’originalité de la position rousseauiste apparaît ainsi : alors qu’il postule l’inaptitude des femmes aux sciences abstraites et leur incapacité à la généralisation, il ne s’agit pas pour lui d’affirmer l’incompétence intellectuelle des femmes en général, mais de naturaliser leurs compétences d’observation en en manifestant les bienfaits pour la science morale.
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  • HAL Id : hal-03941554 , version 1

Citer

Céline Spector. Science de l’homme et raison des femmes : Rousseau et la division genrée du travail scientifique. Annales de la Société Jean-Jacques Rousseau, 2022, 55. ⟨hal-03941554⟩
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