L'histoire de la Première Guerre mondiale est une « grande histoire » qui nous a été contée par de nombreux témoins, historiens et écrivains à travers de témoignages, de fictions ou de différents types de documents historiographiques. Ces sources ainsi leurs analyses ou leur fictionalisation nous permettent de comprendre la trajectoire de la guerre, les lieux, événements et personnes qui « ont fait » cette guerre. Les récits et témoignages écrits « après coup », sous forme biographique ou autobiographique, sont des narrations de la vie (ou du moins d'une période de la vie) d'une personne et constituent ainsi l'expression et/ou la mise en scène d'une identité particulière. Ces big stories, sur lesquels on se base généralement en narratologie et dans l'analyse d'identités, considèrent l'individu en tant que système s'efforçant de rassembler le temps, l'espace et la personnalité de l'auteur dans un cadre unique, dans un but de fabrication de sens. Nous souhaitons ici adopter une autre approche. Nous n'analysons pas les récits en tant qu'oeuvres complètes ; nous nous focalisons plutôt sur les « petites histoires » a priori anodines qui s'y trouvent (histoires du quotidien de la guerre, d'expériences vécues, de sensations décrites) et sur l'émergence de ces histoires dans les lettres écrites par un soldat à sa famille. En recourant à une approche discursive et en centrant notre analyse sur les expériences sensorielles racontées dans ces lettres, nous souhaitons montrer comment l'auteur utilise ces « petites histoires » pour construire différentes facettes de son identité et pour essayer de donner sens à ce qu'il est, dans cette situation particulière qu'est la guerre.