L'étude présentée ici, ancienne et peu publiée, est extraite d'une série d'enquêtes centrées sur les usages des paratextes musicaux (textes verbaux et iconiques), considérées comme des médiations accompagnant la vie sociale des oeuvres musicales. Elle résulte de l'observation des comportements d'usage de pochettes de disques compacts, soumis à décompte et traitement statistique (n = 85), dans la section musique « classique » d'une bibliothèque municipale de prêt, la Méjanes, à Aix-en-Provence. Elle s'inspire, dans une visée sémio-sociologique comparative, de l'enquête Le temps donné aux tableaux, conduite en 1991 par Jean-Claude Passeron et Emmanuel Pedler, expérimentant la méthode appelée ethnographie quantifiée auprès des visiteurs du musée Granet à Aix-en-Provence. Sont retenus les modes d'exploration du fonds, les pratiques de repérage, les investissements physiques divers, les prises documentaires étayant les arbitrages menant ou non à un choix contraint par les autorisations limitées d'emprunt en vigueur dans l'institution culturelle et par son mode spécifique de présentation des corpus culturels offerts à consultation et prêt. Sont isolés des profils d'usages selon une typologie raisonnée par la spécificité de la musique et de l'intensité des pratiques qu'elle suscite en dehors des déterminations sociales recensées habituellement par la sociologie de la consommation culturelle. Le paratexte, interrogé empiriquement, peut ainsi être considéré comme un analyseur spécifique de l'expérience esthétique, et la discothèque de prêt, terrain de substitution à l'écoute, comme un lieu de pratique esthétique à part entière. Les constats de l'enquête permettent donc, à partir d'un micro-segment de réception culturelle, de baliser empiriquement les processus « médiés », nombreux, diversifiés, qui font l'existence sociale des oeuvres musicales, sur l'ensemble des scènes, publiques et privées, que peuplent les acteurs sociaux. L'abondement empirique qu'elle offre rend pertinent le fait d'en réexaminer les données anciennes, à la lumière d'un questionnement qui s'est consolidé plus tardivement. EIles renseignent les questionnements sur un objet qui se situe à la croisée de la sociologie, des sciences de l'information et de la communication et de la musicologie. De fait, l'angle d'approche de l'enquête, qui privilégie un segment très particulier de la réception, gagne à être apparié à d'autres, se situant notamment du côté des pratiques de production, mais inférés de questions de réception, en ce que les paratextes ont une visée communicationnelle.