Le site du Fond des Blanchards (Yonne) se compose des vestiges d'un ensemble d'occupations du Paléolithique moyen récent dans un contexte paléo-environnementale relatif à plusieurs moments du fonctionnement d'une plaine alluviale. Nous nous intéressons particulièrement ici au niveau C de ce site, qui a livré une industrie lithique caractérisée par la production de supports épais dont une importante quantité est retouchée. Il s'agit principalement de racloirs obtenus par des retouches écailleuses qui aménagent de façon importante les bords et les surfaces des outils, organisées en plusieurs rangs superposés. Ce type de support est associé à une exploitation des nucléus selon une ou plusieurs séries d'enlèvements sur une ou plusieurs surfaces successives ou alternes, sans aménagement préalable des blocs. Les critères typologiques des outils et la caractérisation technologique du débitage ont permis de rapporter le site au Moustérien de type Quina, un complexe technique qui mêle des termes de définition de forte cohérence à des éléments plus hétérogènes, difficiles à encadrer dans un contexte unitaire, et qui s'expriment en une variabilité technique et géographique importantes. Dans le contexte géographique du site, les manifestations du Moustérien de type Quina, qui sont ici minoritaires par rapport à d'autres techno-complexes du nord de la France, apparaissent diversifiées, pouvant se rattacher à traditions techniques différentes (Quina du Sud-Ouest, Rhodanien) et comprenant aussi des aspects plus atypiques. En ce sens le site du Fond des Blanchards a suscité d'emblée un intérêt en raison de la spécificité de son outillage, qui présente des retouches différentes de celles des industries Quina "classiques" du Sud-Ouest de la France, malgré une ressemblance générale due à leur amplitude. Le propos de cette présentation est donc de questionner et d'éclaircir la position du site par rapport au complexe technique Quina et à la variabilité de ses manifestations. Cet objectif a amené conjointement à la nécessité de repenser les critères de définition traditionnels de ce techno-complexe, concernant un outil "de type Quina" et un mode de production spécifique, et traditionnellement abordés respectivement par les moyens d'études typologiques et technologiques. Suite aux résultats obtenus sur les outils "de type Quina" dans le Sud-Ouest de la France par L. Bourguignon, un large échantillon de racloirs issus du niveau C du Fond des Blanchards a été analysé selon une étude techno-fonctionnelle. Cette dernière permet, à partir de l'analyse de caractères techniques des outils, de reconstituer les conceptions et les modalités de structuration de l'outillage inhérentes aux processus de création et de transformation des outils et de leur partie active, dans le but de restituer à l'artefact son statut d'outil, pensé et conçu pour être animé par un geste spécifique. Ces modalités répondent à des besoins fonctionnels, mais correspondent aussi à l'expression de traditions techniques différentes. Ce type d'analyse a montré que, au-delà de la variabilité dimensionnelle et de l'homogénéité typologique de l'ensemble, certains caractères techniques et volumétriques étaient récurrents dans l'outillage et que de véritables ensembles d'outils, correspondant chacun à une conception particulière, étaient présents. Les résultats de ce type d'analyse vont donc dans deux directions. En premier lieu vers la mise en évidence de la structuration interne du système technique du site et de la façon de concevoir la réalisation de l'outillage, à travers une organisation différente pour chaque ensemble d'outils des apports de la phase de production et de retouche. En second lieu, ils permettent une comparaison avec les résultats obtenus dans les sites Quina du Sud-Ouest de la France, et une évaluation des éléments de proximité et d'originalité que l'industrie du site présente par rapport à ceux-ci, ouvrant sur de nouveaux questionnements sur le complexe technique Quina et sur sa variabilité interne