Au fil des trente dernières années, la notion d’autonomie a connu, au sein des études migratoires, un certain succès. Elle s’est imposée dans différents contextes épistémologiques, au croisement de plusieurs traditions politiques, philosophiques et de sciences sociales ; sans toutefois former une entité cohérente et aisément identifiable, ni constituer un véritable sous-champ des théories des migrations. Ce texte a pour objectif de présenter succinctement différentes approches de l’autonomie. Parmi les auteur.e.s qui seront évoqué.e.s, certain.e.s ont lus les travaux des autres, d’autres les ignorent, ce qui a trait à la géopolitique complexe de la recherche académique et aux cloisonnements linguistiques et disciplinaires existant au sein du champ. La démarche d’Emmanuel Ma Mung, qui place l’autonomie au cœur de sa réflexion sur les migrations , sera centrale dans mon propos. Je présenterai ensuite un certain nombre de travaux pour tenter, de façon un peu attentatoire, un dialogue entre différents auteur.e.s, qui ont développé une pensée et des approches de l’autonomie très complémentaires, et parfois très proches. Dans la dernière partie de ce texte, j’engage une réflexion plus personnelle sur la façon dont on peut mobiliser l’autonomie des migrations dans une perspective de géographie féministe. Ce texte est à lire comme un témoignage, une réflexion située, et je dois d’emblée signaler d’où je parle : le travail d’Emmanuel Ma Mung a eu une influence forte sur mes propres recherches, puisqu’il a encadré mon mémoire de DEA sur les entrepreneurs chinois en Campanie (1999), et a suivi de façon officieuse mais non moins constante mon travail de doctorat, dédié aux commerçant.e.s maghrébin.e.s sur la place marchande napolitaine (soutenu en 2004). Par la suite, j’ai continué à puiser mon inspiration dans les travaux d’Emmanuel, notamment dans le cadre de mes recherches sur l’autonomie des femmes migrantes . Pour ma génération passée par Migrinter dans les années 1990 et 2000, les recherches d’Emmanuel Ma Mung ont eu un impact fort sans toutefois nous enfermer. Peu enclin aux jeux de pouvoir universitaires et à la logique de chaire, il n’a pas fait école au sens classique, ni n’a véritablement produit de « disciples », ce qui serait contraire à l’esprit d’indépendance qu’il insuffle à sa propre démarche. Ses travaux ont néanmoins profondément influencé nombre d’entre nous, tout à la fois par leur singularité et par une certaine posture de recherche (un point de vue, précisément) caractérisés par une forte ouverture à la philosophie et aux sciences sociales, point de vue précieux et rare dans notre discipline.