Les récits de voyage européens ont pu avoir une fonction idéologique, notamment dans leur rôle d’auxiliaire de la colonisation. Pour les voyageurs postcoloniaux, il s’agit de rompre avec l’asymétrie coloniale qui fait qu’un Européen peut écrire sur le monde car il possède l’autorité discursive tandis que le non-Européen ne saurait avoir le même pouvoir sur l’Europe, voire sur le monde. L’article se propose, à partir de trois œuvres représentatives d’époques et de lieux différents, Un nègre à Paris (1959) de Bernard Dadié, The Jaguar Smile (1987) de Rushdie et The Atlantic Sound (2000) de Caryl Phillips, de montrer le lien qu’elles entretiennent avec l’idéologie dans sa fonction intégratrice et conservatrice. De fait, le trave-logue postcolonial entretient un rapport tensionnel entre une pulsion utopique à vocation sub-versive et la nostalgie d’une forme d’idéologie que laissent percevoir des rapports complexes au pouvoir et certaines visions du monde non indemnes d’impérialisme.