Le développement territorial et les politiques d’aménagement qui y sont liées sont placées au centre d’une diversité de dispositifs cherchant à dynamiser la compétitivité des territoires. Il en est de même d’initiatives visant à réduire les inégalités territoriales (Pike et al., 2013). De nombreuses controverses animent alors ces registres d’intervention et dans les travaux scientifiques contribuant à ces mêmes débats, certains auteurs suggèrent qu'une meilleure compréhension des dynamiques territoriales de l’économie nécessite une analyse des relations entre les échelles micro et macro de l’activité économique (Torre et Traversac, 2011). Le tournant relationnel en géographie économique (Bathelt et Glücker, 2003 ; Grabher, 2006) se rapproche de cette perspective en partant du principe que les relations entre les acteurs jouent un rôle clés dans les processus de développement des villes et des territoires. De récentes recherches ont alors porté l’ambition de combler ce fossé en caractérisant les dynamiques régionales de l’économie en s’attardant sur l’analyse des réseaux au sein et entre les activités économiques (TerWal et Boschma, 2009). Néanmoins, bien que ces travaux participent à d’importantes avancées, des limites semblent subsister. Elles résideraient principalement dans les données disponibles pour décrire et comprendre ces processus (Balland, 2016). En effet, ces dernières sont essentiellement quantitatives et ne permettent pas d'étudier le niveau micro et notamment l'ancrage des acteurs et des activités économiques dans les structures sociales des relations. Car nous considérons que les relations entre acteurs locaux (c'est-à-dire les « relations de proximité » (Torre, 2018)) structurent profondément la macro-dynamique des territoires. En outre, la plupart des écrits se concentrent sur les avantages économiques des zones métropolitaines, tandis que les villes petites et moyennes sont décrites comme des zones « périphériques » organisées autour de l'offre de biens et de services communs aux entreprises et aux populations mettant en évidence les faiblesses de ces économies locales à innover et à s'adapter à la mondialisation (Demazière, 2014). Notre proposition de communication s’inscrit dans ces différentes perspectives. Elle vise à apporter des éclairages sur les problèmes soulignés par la littérature académique en proposant une méthodologie originale basée sur la collecte de données à la fois quantitatives et qualitatives et cela à l'échelle micro et macro. En nous attardant sur le contexte de la petite ville de Roscoff (3300 habitants - Département du Finistère), nous cherchons à « opérationnaliser » cette approche méthodologique. Si ce territoire est marqué par un développement articulé autour de l’industrie agro-alimentaire, de nouveaux chemins s’esquissent autour de la valorisation de résultats de travaux scientifiques développés par la Station Biologique de Roscoff, un des principaux et plus anciens centres européens de biologie et d'écologie marine. A l'aide de données bibliométriques et d'entretiens, nous mettons en lumière l'évolution du rôle de la Station dans le développement du territoire. Ce rôle prend notamment forme autour de la création de start-ups issues de la Station, du développement de collaborations scientifiques et d’une demande croissante d’expertise scientifique fournie par la Station auprès d’acteurs économiques locaux. Dans ce sillage, les acteurs politiques locaux s’investissent dans la construction collective du premier parc scientifique national dédié aux biotechnologies marines et à leurs applications industrielles. Cette démarche nous permet de « rendre visible » la dynamique des relations et d’interaction socio-spatiales habituellement inobservables à partir des données utilisées pour analyser le développement territorial. Nous donnons ainsi à voir que les petites villes peuvent également constituer des « centralités d’innovation » et des espaces « discrets » mais profondément insérés dans la mondialisation de l’économie (Choplin et Pliez, 2015 ; Navereau et al. 2019).