Le réchauffement climatique et la transition écologique ont placé la notion de « ressources » au centre de nos préoccupations. Or son histoire est bien plus ancienne qu’il n’y paraît et constitue une problématique majeure de la construction des sociétés. Dès le Moyen Âge, les Européens, soucieux des problèmes de déséquilibre inhérents aux dynamiques de développement – nourrir les affamés, vêtir ceux qui sont nus, loger les sans-abris sont autant de besoins concrets auxquels tâchèrent de répondre l’Église et les pouvoirs politiques –, s’efforcèrent de construire un mode de vie durable. Paris et sa région furent ainsi, aux XIIe et XIIIe siècles, le théâtre d’une expansion sans précédent, mais aussi un cas-limite de l’ordre socio-technique médiéval. Explorant les liens tissés au cœur de la grande croissance médiévale entre besoin et développement, sobriété et innovation, le livre souligne à la fois les réussites et les impasses d’un système économique construit presque exclusivement sur l’exploitation de ressources renouvelables, au risque de mettre en crise le régime féodal ; ce dont témoignent aussi bien une célèbre œuvre de fiction, le Roman de Renart, que les statuts de grandes communautés monastiques, comme l’ordre de Cîteaux. À l’heure où l’épuisement des ressources, annoncé et redouté, pose la question de la survie des modes contemporains de développement et d’existence, notre compréhension de ce que fut la transition vers un monde non renouvelable peut tirer profit des leçons, étonnamment modernes et ingénieuses, du Moyen Âge chrétien.