Quand on évoque les relations que Mme de Maintenon a entretenues avec le monde de la scène, deux événements sont communément retenus : d’une part son rôle de commanditaire pour les deux tragédies en musique écrites par Racine pour Saint-Cyr, et d’autre part le rôle qu’elle aurait joué dans l’expulsion des comédiens italiens de Paris en 1697, en rétorsion à une pièce la caricaturant, intitulée La fausse Prude. Ces deux éléments signalent une contradiction : si Mme de Maintenon pratiquait la « haine du théâtre », cette théâtrophobie que les travaux de François Lecercle et Clothilde Thouret ont mise en lumière , comment comprendre qu’elle ait imposé, sur le modèle des usages pédagogiques jésuites, des pratiques dramaturgiques dans le cadre de la formation de ses chères filles de Saint-Cyr ? Et comment élucider alors le fait qu’elle a elle-même pris la plume pour ses Demoiselles en leur écrivant des Proverbes dramatiques ? Comment expliquer enfin que, « presque reine » selon la formule d’Alexandre Maral, elle ait fait jouer des spectacles de théâtre dans son propre appartement ? En fait, loin de relever de la haine, les rapports entre Mme de Maintenon et le théâtre témoignent peut-être plutôt d’une longue histoire d’amour. C’est pourquoi il apparaît pertinent, dans le cadre d’un moment de commémoration qui implique aussi une certaine célébration, de mettre en évidence comment la scène a pu, d’une certaine façon, réparer certains outrages violents que la littérature narrative a infligés à sa mémoire. Car cette dimension de sa réception, moins connue que les nombreux pamphlets et chansons qui se sont plu à la caricaturer, permet de mettre en évidence comment sa figure historique, avant les réhabilitations que les romans ou les films récents ont commencées dans les imaginaires, a connu des variations importantes aux XVIIIe et XIXe siècles.